En tenue d’Ève

Il est aujourd’hui essentiel d’encourager une réflexion sérieuse sur le genre, au sein des traditions religieuses.

Ce débat, amorcé outre-Atlantique, est d’autant plus complexe que la pensée religieuse et le rite structurent constamment le monde en états contraires et structures binaires entre lesquels l’humanité navigue.

Dans le judaïsme par exemple, cette division du monde est omniprésente: des séparations sont établies entre les statuts (casher/non-casher, pur/impur, etc..) et tout particulièrement entre les genres (hommes/femmes).

La pratique religieuse se méfie des zones floues et des hybrides.

Elle ordonne bien souvent l’univers en catégories distinctes et met en garde contre ce qui lui semble être générateur de confusion.

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Le propre de ces discours religieux fondamentalistes est d’affirmer que leur appel à la pudeur est au service de la femme alors qu’il vise bien souvent son effacement. Il s’agit d’éradiquer « pour son bien » la femme de l’espace public et de se débarrasser avec elle du désir qu’elle pourrait susciter.

Cette obsession de l’extinction du désir a quelque chose d’obscène, tant l’autre y est réduit à la tentation qu’il représente.

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C’est l’histoire de deux juifs qui discutent devant un établissement de bains publics. L’un demande à l’autre : « Tu as pris un bain ? »

L’autre lui répond : » Non, pourquoi ? Il en manque un ? »

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L’émergence du féminin dans les religions ne se fera pas qu’à travers les femmes car le féminin ne leur appartient pas. Mais elle ne se fera pas non plus sans elles. Elle n’aura pas lieu tant que des voix jusqu’ici tues n prendront pas part à la lecture, au commentaire et au débat, tant que le genre humain ne pourra pas percevoir la bénédiction d’avoir été créé homme ou femme, masculin et féminin.

Delphine Horvilleur dans En tenue d’Éve

Une pi;èce musicale O virtus Sapientiae de Hildegard von Bingen interprétée par Anna-Maria Hefele