Qu’est-ce que le zen ?

Qu’êtes-vous ?

(Silence.)

Vous comprenez ?

Je ne sais pas.

Cet esprit qui ne sait pas, c’est vous. Le zen, c’est comprendre ce que vous êtes. Le zen n’est rien d’autre ? Cela ne suffit-il pas ?

Je veux parler de la compréhension finale, de l’illumination que doit avoir un maître zen pour devenir un maître zen.

Toute compréhension est une non-compréhension. Que comprenez-vous? Montrez-moi ce que vous comprenez !

(Silence.)

Bien. Que font un plus deux ?

Trois.

Pourquoi ne me disiez-vous pas cela ? De quelle couleur est le ciel ?

Bleu.

Très bien! La vérité est très simple, non? Mais votre esprit est compliqué; vous comprenez trop. C’est pour cela que vous ne pouviez pas répondre. Mais il y a une chose que vous ne comprenez pas.

Quoi ?

Un plus deux égale zéro.

Je ne vois pas comment.

Bon. Supposons que quelqu’un me donne une pomme. Je la mange. Puis il me donne encore deux pommes. Je les mange. Toutes les pommes ont disparu. Donc un plus deux égale zéro.

Hmmmm.

Vous devez comprendre cela. Avant de naître, vous étiez zéro. Maintenant vous êtes un. Plus tard, vous mourrez et vous redeviendrez zéro. Il en est ainsi de toutes les choses de l’univers; elles surgissent de la vacuité et retournent à la vacuité. Ainsi zéro égale un, un égale zéro.

Je vois.

A l’école primaire, on vous enseigne que un plus deux égale trois. A l’école primaire zen, nous enseignons que un plus deux égale zéro. Lequel de ces deux énoncés est correct?

Ils le sont tous les deux.

Si vous dites «tous les deux», moi, je dis «ni l’un ni l’autre ».

Pourquoi ?

Si vous dites «tous les deux», le vaisseau spatial n’atteindra jamais la lune. Quand seulement un plus deux égale trois, il peut atteindre la lune. Mais si un plus deux égale aussi zéro, le vaisseau spatial disparaîtra au cours du voyage. C’est pourquoi je dis que ni l’un ni l’autre ne sont corrects.

Quelle serait alors la bonne réponse ?

« Tous les deux » est faux, donc je vous frappe. « Ni l’un ni l’autre » est également faux, donc c’est moi que je frappe. Le premier enseignement du bouddhisme est : « La forme est la vacuité, la vacuité est la forme ». Cela veut dire que un égale zéro, et zéro égale un. Mais qui fait la forme ? Qui fait la Vacuité ? La forme et la vacuité son: des concepts. Les concepts sont fabriqués par votre pensée. Descartes disait : « Je pense, donc je suis. » Mais si je ne pense pas, que se passe-t-il? Avant la pensée. il n’y a ni vous ni moi, ni forme ni vacuité, ni exactitude ni erreur. Si bien que même « ni forme ni vacuité » est faux Dans la véritable vacuité, avant la pensée, votre esprit est clair, c’est tout. Les choses ne sont que ce qu’elles sont. « La forme est la forme, la vacuité est la vacuité. »

Je crois que je ne comprends pas vraiment.

C’est déjà une erreur que de vouloir comprendre. Contentez-vous d’aller de l’avant en gardant l’esprit d’ignorance. Alors vous comprendrez tout.

Qu’est-ce que l’illumination ?

L’illumination n’est qu’un nom. Si vous faites l’illumination, l’illumination existe. Mais si elle existe, l’ignorance existe aussi. Bon et mauvais, vrai et faux, illuminé et ignorant : ce ne sont que des opposés. Ces opposés sont simplement votre façon de penser. La vérité est absolue, au-delà de la pensée, au-delà des opposés. Si vous faites quelque chose, vous obtiendrez quelque chose. Mais si vous ne faites rien, vous obtiendrez tout. L’illumination n’est-elle vraiment qu’un mot? Un maure zen ne doit-il pas atteindre l’illumination pour être précisément un maître ?

Le sutra du Cœur dit que l’on ne peut atteindre l’éveil, donc qu’il n’y a pas d’éveil. Si l’on atteint l’illumination, ce n’est pas l’illumination.

Alors, tout le monde a l’illumination ?

Comprenez-vous le non-atteindre ?

Non.

Le non-atteindre est atteindre. Vous devez atteindre le non-atteindre! C’est quoi, atteindre? Qu’y a-t-il à atteindre ? La vacuité ?

Dans la vraie vacuité, il n’y a ni nom ni forme. Atteindre n’existe donc pas. Si vous dites : « J’ai été la vraie vacuité », c’est faux.

Je commence à comprendre. Du moins, je crois que je commence.

L’univers est en permanence la vraie vacuité. Maintenant, vous vivez dans un rêve. Réveillez-vous ! Alors vous comprendrez.

ZEN, par Anne Bancroft,

Une pièce musicale de BLOSSOM (HANA) by Jean Pierre Rampal & Lily Laskine