Mélancolie

Qu’il est difficile d’être honnête avec soi. En tout cas, je n’ai pas tellement d’indulgence pour ceux qui prêchent le sacrifice et l’oubli de soi. Tiens, je vais te raconter une histoire… Il était une fois un ermite qui vivait dans une grotte dans la montagne et qui méditait chaque jour, seul, détaché de tout désir humain. On venait de loin pour le voir et lui demander conseil. On le considérait comme un saint. Mais voilà qu’un jour une pute s’installe dans une autre grotte, un peu plus loin. Elle aussi reçoit beaucoup de visiteurs, mais pas pour les mêmes raisons ! Le saint est mortifié de devoir supporter quotidiennement le spectacle de la débauche. Tu penses bien, la pute démonétise sa sacro-sainte entreprise spirituelle, elle obscurcit le monde par le vice et le stupre. Bref, il n’y a pas un jour où il ne maudisse cette sale pute de s’être installée dans la grotte d’à côté !

Mais par l’un de ces hasards dont l’univers a le secret, l’ermite et la pute meurent le même jour. Les voilà à patienter dans la queue pour le paradis. L’ermite est en colère parce qu’il y a des tas d’âmes devant lui, des âmes de simples profanes, et il devient carrément furieux quand il voit que même la pute est plus avancée que lui dans la queue. Alors il sort du rang et va râler auprès des autorités compétentes. “Il y a une erreur dans votre liste, qu’il dit ; la preuve, c’est que la péripatéticienne là-bas, elle est devant moi.” Ni une ni deux, l’ange qui gère la file va consulter ses dossiers. En revenant il dit : “Cher ermite, tout est bien en ordre. Vois-tu, pendant les dix années qui viennent de s’écouler, tu as passé tes journées à maudire la prostituée qui vivait près de chez toi, parce qu’à cause d’elle, la montagne te semblait moins sacrée. Elle, pendant toutes ces années, qu’a-t-elle fait ? Tous les matins, elle priait pour toi, remerciant le ciel de t’avoir placé là, en face de son bordel, parce que la vue de ta sainteté l’aidait à supporter sa condition de pécheresse. Je te le demande : de vous deux, qui a l’âme la plus pure ?”

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« Tu sous-estimes le pouvoir de la beauté, dit Florence. La beauté et la bonté, voilà ce que nous devrions tous poursuivre, chaque jour, sans concession. »

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– Comment vous remercier ? dis-je à Bachir alors qu’il me raccompagnait vers la route.

– Nous aurons toujours besoin de la beauté, répondit-il, autant que de légumes. Pour reprendre courage. Il nous faudra du courage devant ce qui vient. »

À partir de ce soir là, la montagne fut différente. Être entouré de personnes bienveillantes vous donne une force surhumaine. Vous devenez un morceau d’une entité, d’un essaim d’abeilles qui œuvre à la réalisation d’une tâche commune, qu’on appelle harmonie, entraide ou fraternité. Les idées deviennent palpables quand vous les partagez avec d’autres. L’univers devient meilleur.

Katrina Kalda dans La mélancolie du monde sauvage

Une pièce musicale de Cat Stevens – Wild World

Les paroles en français sur https://www.lacoccinelle.net/246937-yusuf-islam-cat-stevens-wild-world.html

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