Vie intérieure

Si nous recevons le soleil en face, notre dos reste dans l’ombre et tout notre corps projette une ombre sur la terre, ainsi de l’amour.

Tout amour humain comporte ainsi son revers de haine et bien souvent l’envers dépasse l’endroit.

Si j’aime une femme à la passion, je hais tous ceux qui pourraient lui faire ou lui vouloir du mal, je hais aussi tous ceux qui l’aiment trop et cherchent à détourner ses faveurs. Et cela n’est rien encore. Car si d’aventure elle se prenait à aimer quelqu’un d’autre et me faisait la suprême injure de trouver son bien en dehors de moi, voici que mon grand amour me porterait à le haïr à mort. Que dire de l’attachement avare et jaloux des familles.

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Que dire de l’amour de la patrie, du parti si exaltant qui ont pour fruit aussi la guerre, la sédition, le massacre, l’oppression. Cet amour-là n’est qu’une contre-haine.

Et pourtant, avec toutes les souillures, tous les dégâts et tous les crimes qu’il apporte, l’amour est encore la source de toute vie et sans lui rien ne vaut rien.

Mais quel est cet amour qui n’est pas l’union des époux, ni l’ardeur des amants, ni l’accord des amis, mais l’amour du prochain, c’est-à-dire de n’importe qui, de celui qui se trouve là ? Cet amour qui n’est pas douce et confortante effusion du cœur et n’est pas échange de bienfaits, mais don et abandon total sans calcul et sans recul ?

La tradition a consacré le terme charité qui vient du latin caritas.

On dit parfois « faire la charité », ce qui ne renvoie pas vraiment à l’idée de charité puisque la charité n’est pas quelque chose qu’on peut faire mais qu’on peut être et incarner.

La limite de l’amour, c’est l’indifférence, l’inimitié, la réprobation mais devant la Charité, il n’y a pas d’indifférent, pas d’ennemi, pas de réprouvé. Tant que l’amour demeure limité, c’est un lien, un attachement.

Lanza del Vasto dans Approches de la vie intérieure

Une pièce musicale de Daniel Bélanger – Hiatus

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