Transporteurs d’infini

Nos vies sont toutes de sable, nos vies sont toutes des fables et c’est seulement dans la manière de les conter que se dévoilent leurs lumineuses trames.

Nos vies, comme ces toiles d’araignée, invisibles le jour, qui, au petit matin, apparaissent perlées de rosée, purs chefs-d’œuvre de symétrie.

Voilà mes élucubrations, dernière élégance de ma solitude de forçat au milieu d’un champ de pierre.

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Je ne le dirai jamais assez, un rien me nourrit, la moindre graine d’humanité se transforme en jardin. J’ai tellement appris à me contenter de peu. Tout est devenu festin, tout me comble, le plus petit cadeau du monde est une joie au cœur de mon silence.

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P.-S. : J’ai vu votre tristesse. Je n’en connais pas la cause et ne demande rien. Tout ce que je peux vous dire c’est de ne pas renoncer à ce que vous êtes profondément. Il y a en vous une sorte de lumière qui fait du bien au monde. Quoi qu’il arrive, n’oubliez pas : rien ni personne n’a le pouvoir de saccager l’innocence. Quoi qu’il arrive nous devons nous battre pour préserver notre aptitude à la Joie.

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À l’aube, il s’installe devant la meurtrière de son bureau triangulaire, et il lui semble au fond qu’il ne fait que recopier ce qu’une voix lui dicte. Moine calligraphe il couvre ainsi des pages, d’une écriture appliquée.

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La force, c’est cette tenace capacité d’incursion, plongée méthodique dans le labyrinthe de l’esprit. Mieux se connaître afin de mieux comprendre toute l’humanité. Nous possédons en creux, dans la matrice, toutes les caractéristiques de l’Humain.

Si chacun développe ses particularités, il demeure cependant au fond de nous un formidable ou monstrueux potentiel.

Il s’agit d’ « être », et cela en dépit du monde dans lequel nous vivons. Il est trop facile de « se laisser être » en arguant de je ne sais quel contexte.

Être, c’est choisir au-delà. Après avoir farfouillé dans l’immense bric-à-brac de nos cerveaux, il nous faut sortir, tirer, extirper les paquets de racines bouchant les sources de vraie vie.

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Notre terre est jonchée de pierres, d’arbres, de parfums, de situations et de visages, qui, lorsque nous les croisons, réveillent en un éclair la perfection de nos âmes. Plus que tout, j’aime ces bulles-parenthèses, annihilant le temps.

Ce sont d’étranges petits moments faisant chavirer la raison. Paramnésie, impressions troublantes de déjà vu, déjà vécu, vertiges délicieux, ivresse.

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Apesanteur.

Quoi qu’en disent nos spécialistes du cerveau, psychiatres et autres cafouilleurs, maniaques de l’explication, je tiens ces instants comme des révélations mettant l’individu face à l’éternité dont il procède et qu’il ne cesse de vouloir retrouver.

Nous sommes sans le savoir transporteurs d’infini. Nous sommes de doux cargos fantômes, soutes pleines, perdus au beau milieu d’un océan, qui cherchent désespérément un port d’attache pour alléger nos coques.

Alain Cadéo (1951) est l’auteur de nombreux ouvrages (nouvelles, romans, textes, pièces de théâtre), dont « Stanislas » (1983), premier prix Marcel Pagnol 1983 ou encore Macadam Epitaphe (1986), Plume d’Or Antibes et Prix Gilbert Dupé.

Alain Cadéo dans Zoé

Une pièece musicale de The Beatles interprétée par Santana – While My Guitar Gently Weeps

Les paroles sur https://www.lacoccinelle.net/246768-the-beatles-while-my-guitar-gently-weeps.html

2 réflexions sur “Transporteurs d’infini

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