Le doigt et la lune

Le disciple s’approche du maître et lui demande :

Quel est le son essentiel du vide?

Le maître lui répond :

Quel est le son essentiel du vide?

– Vous êtes le maître, je ne connais pas la réponse, c’est pourquoi je vous la demande.

Le maître lui donne un coup sur la tête. Le disciple est illuminé.

Le maître a cessé de s’identifier à son ego, il s’est abandonné au vide, au silence intérieur. Le seul bruit qui à cet instant résonne dans sa vacuité est la question du disciple. Celui-ci prend la réponse du maître pour une question adressée à son intellect, sans se rendre compte qu’on ne fait que l’imiter.

Vous êtes le maître, je ne connais pas la réponse, c’est pourquoi je vous la demande!

Réponse absurde : le maître n’a pas voulu lui poser une question, il a imité le bruit de ses paroles en leur enlevant tout contenu. Le disciple veut obtenir des concepts, il ne renonce pas à sa quête intellectuelle. Le maître, en lui donnant un coup sur la tête, interrompt le flux verbal. L’espace d’un instant, l’esprit reste vide de mots.

Enfin le disciple comprend.

Le maître n’est plus personne.

L’autre, le monde, est le son essentiel de son.

Quand le moi cesse d’exister, le monde existe.

*

Un moine passe la journée avec un vieux maître. Le soir, il s’apprête à rentrer chez lui mais la nuit est obscure. Il retourne auprès du maître et lui dit : Je ne vais pas pouvoir rentrer chez moi à cause de l’obscurité.

Alors le maître lui dit : Attends ! Je vais te donner une bougie.

Il prend une bougie allumée, la tend au moine mais au moment de la lui donner, il l’éteint et l’élève s’illumine.

*

En soufflant la bougie, le maître dit:

Tu es la bougie. Tu es la lumière. Ne viens pas me demander la lumière. Nous sommes illuminés. La réalité est la même pour nous tous.

Va dans l’obscurité ! Trouve-toi toi-même !

Alexandro Jodorowsky dans Le doigt et la lune

Une pièce musicale de Alejandro Jodorowsky: OST – The Holy Mountain – The Tarot will teach you to create a soul (1973)