Comment méditer ? 3

Méditation naturelle

 

En tibétain, méditation se dit gom, qui signifie s’entraîner. Pour le moment le processus de l’ego est automatique, les tendances sont ancrées en nous depuis des temps sans commencement. On ne fabrique pas la colère, elle s’élève d’elle-même, l’orgueil est un processus d’identification naturel, etc. La méditation va modifier cela. Si l’on commence à appliquer les antidotes, seul et avec les autres, le processus de l’ego s’inverse peu à peu. Alors qu’on allait être pris par l’émotion, on se souvient du remède, on le met en pratique et on modifie la relation à la situation.

 

Cela nous conduit à un deuxième type de méditation qui est un regard beaucoup plus direct sur l’émotion. Il ne s’agit pas cette fois d’apporter un remède spécifique à chaque émotion, mais plutôt d’arrêter d’écouter ce que nous dit l’émotion ou la pensée et d’essayer de voir simplement son mouvement.

 

Qu’est-ce qu’une émotion ?

 

C’est un mouvement. Prenons la colère par exemple. Quelque chose nous irrite, quelqu’un nous agresse, et tout à coup la colère s’élève. Que se passe-t-il en réalité ?

 

C’est un mouvement dans l’esprit, quelque chose qui prend place et envahit aussi bien l’esprit que le corps.

 

Si l’on écoute la colère, si l’on s’identifie à elle, elle nous maîtrise; on dira ce qu’on ne voulait pas dire et on fera peut-être ce qu’on ne voulait pas faire.

 

Mais si, plutôt que de saisir la colère, plutôt que de s’identifier à elle, on la laisse s’élever et on lui laisse de l’espace, regardant simplement son mouvement, essayant de voir d’où elle s’élève, où elle prend place, où elle disparaît, on ne pourra rien trouver de réellement existant.

 

Il en va de même pour les autres émotions, idées, sensations, perceptions, pour tout ce qui s’élève dans l’esprit. Plutôt que d’écouter tout cela, plutôt que de le manipuler, l’esprit se regarde lui-même. Si on ne saisit pas la pensée ou l’émotion qui s’élève, si on ne s’identifie pas à elle,  alors elle se libère d’elle-même. Elle se pacifie.

 

C’est une instruction-clef de l’enseignement de la méditation dans le bouddhisme. Si l’on détend cet esprit qui est lié, il se libérera, cela ne fait aucun doute. Cette instruction simplifie la relation que l’on entretient avec soi-même. Cela signifie que, lorsqu’on détend l’esprit, lorsqu’on lui laisse l’espace suffisant pour se déployer de lui-même il se pacifie, exactement comme une vague qui s’élève de l’océan retourne d’elle-même à l’océan. Il n’y a rien à faire, rien à fabriquer ou à construire. C’est un processus naturel et l’esprit possède cette capacité à se pacifier de lui-même. Mais dès qu’une pensée s’élève, on la saisit, on y réfléchit, on en rajoute d’autres, ce qui nous emmène dans un train de pensées vers toujours davantage de confusion et de mouvement.

 

En fait notre esprit est comme une petite mare d’eau agitée, l’eau et la vase sont continuellement mélangées et la mare est opaque. Si l’on arrête de mélanger l’eau, la vase se dépose au fond et la transparence et la clarté de l’eau apparaissent. Cette transparence ne peut être fabriquée, elle prend place d’elle-même.

 

Il en va de même pour l’esprit qui ne peut se pacifier que de lui-même. De plus, si l’on ne saisit pas la pensée qui s’élève, si on la laisse se déployer et se pacifier, elle révélera les qualités de l’esprit. Celui-ci a la capacité de se reconnaître lui-même pour ce qu’il est, il possède cette capacité créatrice de reconnaissance.

 

La conscience confuse que l’on a actuellement des choses n’est rien d’autre que cette conscience fondamentale de l’esprit, mais voilée par la saisie égoïste. Nous avons en nous le potentiel de clarté, nous possédons cette capacité de l’esprit à se connaître et à connaître les phénomènes directement. On ne peut y accéder qu’en se détendant, en s’arrêtant et en lâchant prise. Cette capacité est là depuis toujours, mais n’est pas reconnue à cause de l’ignorance. Donc, méditer c’est tout d’abord se détendre, regarder ce qu’est l’esprit, avoir le courage de laisser son esprit se rencontrer lui-même.

 

Ne pas être submergé par les pensées demande un petit peu de méthode. Dans la méditation, on a besoin d’un support, d’un point de référence. Il y en a plusieurs. Le plus aisé à utiliser est la respiration ; on suit simplement le mouvement de la respiration, expiration, inspiration…

 

Ne faisant qu’un avec sa respiration, avec le mouvement de l’air qui entre et qui sort, on se défait peu à peu de la saisie, et l’esprit peut prendre son mouvement propre. De toute façon, nous ne sommes pas propriétaires de nos pensées et les laisser aller là où elles veulent, c’est les laisser.

 

En pratiquant de cette façon, on sera à même d’abandonner progressivement les différents supports et artifices pour utiliser la pensée elle-même comme support. Le mouvement de la pensée nous ramènera à la méditation. Et d’instant en instant, à chaque fois qu’une pensée s’élèvera, on s’en dessaisira et elle se libérera d’elle-même. De pensée en pensée, on laissera l’esprit se libérer, et cet esprit détendu, sans saisie, se pacifiera de lui-même.

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