L’éveil est toujours
une difficile émergence :
restaurer la lucidité
comme si on refaisait le monde.
C’est pourquoi nous en restons aux états intermédiaires.
L’homme n’est pas une créature éveillée
il ne sait pas l’ouvert.
Flammes qui se consument à moitié,
paupières qui oublient l’œil,
jardins paralysés dans la nuit,
déchirures de l’espace traqué.
Les chemins s’agglomèrent en vain :
L’éveil efface les chemins.
*
Inaugurer la transparence.
Voir à travers un corps, une idée,
un amour, la folie,
distinguer sans obstacle l’autre côté,
traverser de part en part
l’illusion tenace d’être quelque chose.
Non seulement pénétrer avec l’œil dans la roche
mais ressortir aussi par son envers.
Et plus encore :
inaugurer la transparence
c’est abolir un côté et l’autre
et trouver enfin le centre.
Et c’est pouvoir suspendre la quête,
parce qu’elle n’est plus nécessaire,
parce qu’une chose cesse d’être interférence,
parce que l’au-delà et l’en deçà se sont unis.
Inaugurer la transparence
c’est te découvrir à ta place.
Roberto Juarroz dans Poésie verticale
Une pièce musicale de Vangelis – Création Du Monde