Renaître par les contes

ImAGE Chemin des livres

Les contes sont des êtres vivants. C’est une vieille croyance, une conviction de gens qui n’estimaient pas la lampe de la raison forcément indispensable à l’exploration des mystères de la vie, mais qui faisaient grand cas de l’art du sentir, du flair, de la connaissance sensible. Une manière plus aventureuse, certes, d’approcher les choses, mais peut-être aussi (qui sait ?) plus pénétrante. Les contes, nous l’avons vu, ont traversé les siècles alors que, logiquement, ils n’auraient pas dû. Ils n’étaient que rarement écrits, ils n’étaient pas de ces textes importants qui fondent les sociétés, ils n’étaient aucunement protégés. Quel Égyptien raisonnable, sous le règne de Séti Ier, aurait parié que le Conte des deux frères courrait encore nos campagnes trois mille ans plus tard ? Il aurait dû mille fois se perdre.

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Oserai-je avouer que je me sens de plus en plus animiste, et que c’est la fréquentation des contes qui m’a tranquillement amené à cette foi sans dogmes, à cette religion sans doctrine, bref à cette sorte d’anarchisme mystique (mystique, je précise : explorateur de mystère). Oui, je crois savoir que même les objets inanimés ont une âme et que cette âme, comme dit le poète, nous « force d’aimer ». Encore une précision nécessaire : par « âme » j’entends cette force désirante qui nous maintient au monde. Évidemment, je n’ai aucune preuve que les contes sont vivants. D’ailleurs, je me méfie des preuves. Elles arrêtent tout. Elles sont, en fait, des fins de routes. Pardonnez-moi, ma philosophie ne saurait être qu’artisanale. Pratique. J’exige des idées qu’elles me soient utiles, qu’elles me permettent de goûter plus intensément la vie, sinon, à quoi bon ? Pour aller jusqu’au bout de ce qui m’apparaît à tort ou à raison comme un aveu de marginalité, je me soucie assez peu du vrai et du faux.

Henri Gougaud dans Renaître par les contes

Une pièce musicale avec Anna Netrebko & Elīna Garanča – Offenbach: Les Contes d’Hoffmann: Barcarolle