Einstein s’est échappé

Je me suis toujours dit qu’il y a trois types de malfaisants sur la planète : le juriste, le psy et le con. Si je veux commettre une saloperie, je trouverai toujours un juriste pour justifier mon acte, un psy pour l’excuser et un con pour me pardonner.

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On tue pour rien, on ressuscite pour débouler sur le même néant. Vanité des vanités…sauf… sauf lire et aimer ! Ouvrir un bouquin, une femme, laisser courir le regard, accrocher une phrase sur l’écran de papier blanc, tourner une page, découvrir qu’une peau couleur d’ivoire contient mille palindromes que tu peux déchiffrer avec tes lèvres et tes doigts dans tous les sens de la volupté, ânonner l’alphabet de l’amour, une fois, une deuxième, une troisième… et entrer, en invité, dans une histoire qui n’a été écrite que pour toi.

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– « Je viens voir Mme Missillac, Paula Missillac.

– Vous êtes un parent ?

– Je suis son amant.

Visiblement elle me croit fou, elle aussi. Le mot amant ne s’applique qu’à des jouvenceaux, pas à des croulants de mon âge. Passe encore de s’aimer, mais baiser à cet âge… Je la sens horrifiée, la brave dame aux doudounes de montgolfières. Pour elle, je suis un vieux cochon. Jamais je n’ai compris pourquoi un vieux cochon était méprisable alors qu’un jeune cochon…

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Seuls les anciens m’interrogent.

– Tu t’en vas Einstein ? Tu rentres chez toi ?

Non bonhomme, je ne rentre pas chez moi. J’attends. Je suis entre parenthèses entre mon passé, ma chambre du troisième, mon appartement laissé vacant depuis… je ne sais plus… et mon futur. Il faut que je recompte, je m’emmêle les pédales à la fin… Depuis… Et merde ! Chaque fin de mois, je suis l’attraction des Cannabis – Centre de retraite et de convalescence. Mon mouroir ne porte pas ce nom, mais je préfère l’appeler ainsi plutôt que la maison Espérance. Non ! Je déraille, aucune boîte de ce genre ne porte pareille enseigne ! Aucune!

Joseph Bialot dans Le jour où Albert Einstein s’est échappé

Une pièce musicale de Mark Knopfler – The Long Road

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