
Chez l’homme, l’amour revêt plusieurs aspects, dont la plupart ressemblent à des brins d’herbe sans fleur ni fruit.
L’amour est souvent comme le vin, celui qui en consomme peu s’en trouve comblé et celui qui en abuse encourt un danger.
Et si la procession de l’amour est dirigée par la chair vers une couche drapée d’intentions, l’amour se donnera la mort, comme un roi désireux de mettre fin à sa vie après avoir été emprisonné et trahi par les siens.
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Chez l’homme, le savoir est une multitude de chemins dont le début est connu, mais la fin est dans la main du temps et du destin.
Le meilleur savoir est un rêve ; si tu le conquiers et que tu fends la foule sommeilleuse, tu en seras la risée.
Et si tu vois un rêveur vivant en solitaire, méprisé et réprouvé par les siens, sache que c’est un prophète ; le manteau du futur le voile à la société laquelle porte le vêtement du passé.
Il est aussi bien étranger que familier au monde et à ses habitants, que ceux-ci le blâment ou l’excusent.
Il est sévère bien qu’il laisse apparaître de la tendresse ; et il est distant, que les gens s’en approchent ou s’en éloignent.
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Le corps est une matrice pour l’âme ; celle-ci y demeure jusqu’à maturité, puis s’élève et le corps d’être inhumé ; l’âme est ainsi l’embryon ; et qu’est-ce que le jour de la mort, si ce n’est celui de l’enfantement, sans fausse-couche ni césarienne ?
Toutefois en l’homme il est des mauvais esprits voués à être des arcs inféconds que nulle corde ne peut tendre.
L’âme, c’est la quintessence même ; elle n’est pas conçue dans le sable du désert ni le limon de la terre.
Que de plantes, sur terre, sont dépourvues de parfum et que de nuages, par-dessus l’horizon, dénués de pluie !
Khalil Gibran dans Merveilles et processions
Une pièce musicale de Conte De L’incroyable Amour