Pierre Rabhi

« Regardez comme la création est digne d’émerveillement ! N’outrageons pas son visage, ne troublons pas l’ordre qui la gouverne. Soyons-lui reconnaissants et soyons reconnaissants à son créateur. Reconnaissons à toute créature le droit à la vie ! »

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Le lion dévore l’antilope et cela nous semble cruel. La vie veut se perpétuer et chacune de ses révélations s’accompagne de la mort pour l’exalter. Tout cela échappe à notre entendement, mais ne semble pas pouvoir être autrement. En donnant naissance aux êtres humains, le créateur attendait peut-être d’eux l’admiration et la contemplation des agencements qui font la création si belle et si variée de couleurs, de parfums, de bruits, de forme, de saveur. Mais au lieu de chercher leur place au sein de ce grand miracle, les êtres humains ont voulu accaparer le miracle pour l’asservir. Ils y ont répandu de nombreux poisons, corrompu le souffle, l’eau, la terre, le ciel au-dessus de leur tête. L’aigle s’élevant très haut dans le ciel voit la terre en feu. Il voit les êtres humains pillards de leur propre bien. Il voit les uns dilapider, car l’abondance a tué en eux la satisfaction, et des foules de pauvres qui n’ont plus de salive ni de nourriture pour leurs enfants. La misère les berce lentement dans son sein d’agonie. Et l’aridité, comme une lèpre, s’étend sur la terre qui les nourrissait. Et l’aigle s’élevant très haut dans le ciel sait qu’en tout cela il n’est pas un juste ordonnancement…

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Il y aussi des êtres humains que le discernement éveille au respect. Ils éduquent leur progéniture en leur disant : « Sachez que la création ne nous appartient pas, mais nous sommes ses enfants. Gardez-vous de toute arrogance, car la terre, les arbres et toutes les autres créatures sont également enfants de la création. Vivez avec légèreté sans jamais outrager l’eau, le souffle ou la lumière. Et si vous prélevez de la vie pour votre vie, ayez de la gratitude. Lorsque vous immolez un animal, sachez que c’est la vie qui se donne à la vie et que rien ne soit dilapidé de ce don. Sachez établir la mesure de toute chose. Ne faites point de bruit inutile, ne tuez pas sans nécessité ou par divertissement. Sachez que les arbres et le vent se délectent de la mélodie qu’ensemble ils enfantent, et l’oiseau, porté par le souffle, est un messager du ciel et de la terre. Soyez très éveillés lorsque le soleil illumine vos sentiers, mais lorsque la nuit vous rassemble ayez confiance en elle, et si vous n’avez ni haine ni ennemi, elle vous conduira sans dommage sur ses pirogues de silence jusqu’aux rives de l’aurore. Que le temps et l’âge ne vous accablent pas car ils vous préparent à d’autres naissances, et dans vos temps amoindris, si votre vie fut juste, il naîtra de nouveaux songes heureux pour ensemencer les siècles.

Pierre Rabhi dans Parole de terre – Une initiation africaine

Une pièce musicale de Jalikunda African Drums take the Montserrat African Music Festival by storm

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