Souffrance et joie

Au fond, l’immense majorité des hommes sont comme des prisonniers avec toutes les portes et toutes les fenêtres fermées, alors ils étouffent (ce qui est assez naturel), mais ils ont avec eux la clef qui ouvre les portes et les fenêtres, et ils ne s’en servent pas… Certainement, il y a une période où ils ne savent pas qu’ils ont la clef, mais longtemps après qu’ils le savent, longtemps après qu’on le leur a dit, ils hésitent à s’en servir et ils doutent qu’elle ait le pouvoir d’ouvrir portes et fenêtres, ou même qu’il soit bon d’ouvrir les portes et les fenêtres ! Et même quand ils ont une impression que, « après tout, ce serait peut- être bien », il reste une crainte : « Qu’est-ce qui va arriver quand ces portes et ces fenêtres seront ouvertes ?… » et ils ont peur. Ils ont peur de se perdre dans cette lumière et dans cette liberté. Ils veulent rester ce qu’ils appellent « eux-mêmes ». Ils aiment leur mensonge et leur esclavage. Quelque chose en eux l’aime et y reste agrippé. Il leur reste l’impression que sans leurs limites, ils n’existeraient plus.

C’est pour cela que le trajet est si long, c’est pour cela qu’il est difficile. Parce que si, vraiment, on consentait à ne plus être, tout deviendrait si facile, si rapide, si lumineux, si joyeux — mais peut-être pas de la manière dont les hommes conçoivent la joie et la facilité. Au fond, il y a très peu d’êtres qui n’aiment pas la bataille. Il y en a très peu qui consentiraient à ce qu’il n’y ait pas de nuit, et qui ne conçoivent la lumière que comme l’opposé de l’obscurité : « sans ombre, il n’y aurait pas de tableau. Sans lutte, il n’y aurait pas de victoire. Sans souffrance, il n’y aurait pas de joie. » Voilà ce qu’ils pensent, et tant que l’on pense comme cela, on n’est pas encore né à l’esprit.

La Mère dans Entretiens 1957-1958

Une pièce musicale de Shankar: Raga Jogeshwari – Jor

2 réflexions sur “Souffrance et joie

  1. C’est juste et à la fois, tant se sentent démunis face à ce genre de propos. Je sors d’une conversation avec une personne qui me dit comprendre les mots et ne pas savoir comment faire. Il ressort parfois une grande culpabilité face à cette impuissance, cette incompréhension … D’autres affirment y être parvenus, pourtant… L’humain a été conçu de la sorte. Il lui faut désapprendre. C’est le travail d’une vie ou pour un grand nombre, pour une très grande majorité il faudra une autre ou plusieurs autres vies … une poignée y parvient relativement rapidement. Peut-être ont-t-ils eu d’aitres expériences avant cette incarnation ? Sait-on ?

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