Le feu du nouveau monde

Reste une petite flamme pure.

Une flamme qui ne sait pas, qui ne voit pas, mais qui est; et c’est comme une douceur d’être simplement cette flamme, cette toute petite flamme sans objet – elle est, simplement elle est, purement. On dirait même qu’elle n’a pas besoin d’autre chose. On coule dedans, on vit dedans, c’est comme un amour pour rien, pour tout. Et parfois, on plonge très profondément dedans; alors, là-bas, tout au bout; de ce feu tranquille – si tranquille – il y a comme un sourire d’enfant, quelque chose qui regarde le monde dans une transparence, et puis, si l’on ne fait pas attention, voilà que ce regard s’éparpille, il coule avec les choses, respire avec la plante, s’en va dans l’infini partout, sourit dans celui-ci, sourit dans celui-là, et tout est immédiat. Il n’y a plus rien à prendre, rien à saisir, rien à vouloir: c’est là, c’est tout là! C’est partout là. C’est un regard sans mur, une vision qui n’enchaîne pas, une connaissance qui ne prend rien – tout est connu, immédiatement connu, et ça passe au travers, ça file comme une anguille, c’est léger comme du pollen, libre comme le vent, ça sourit partout comme si l’on se souriait à soi-même derrière tout. Et où est l’«autre», où est le non-moi, le dehors, le dedans, le près, le loin: ça fusionne avec tout, ça communique instantanément, comme si c’était la même chose partout. Et voici que cette petite flamme commence à reconnaître son monde: cette nouvelle géographie commence à prendre des reliefs, des teintes, des variations. C’est une même chose, et pourtant chaque chose est comme unique; c’est un même feu, mais chaque feu a une intensité particulière, une fréquence spéciale, une vibration qui domine et comme une musique toute différente. Chaque être a sa musique, chaque chose a son rythme, chaque moment sa couleur, chaque événement sa cadence, et tout commence à se relier.

Satprem, né Bernard Enginger (1923-2007), Français, Breton, fut pendant vingt ans le confident de Mère, qui lui donna son nom véritable le 3 mars 1957 : Satprem « celui qui aime vraiment ». À l’âge de trente ans, il revient définitivement en Inde auprès de Celle qui cherchait le secret du passage à la « prochaine espèce », et forait en son corps ce passage. Mère, dont il deviendra le confident et le témoin pendant près de vingt ans.

Satprem dans La Genèse du Surhomme

Une pièce musicale de Anoushka Shankar – Boat To Nowhere

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