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Voici de l’information, des faits et une mise en contexte, quel beau travail. Bravo. L’histoire nous permet de dégager une perspective.

Le géant américain menace le Canada? Du déjà-vu!

Par Jean-Simon Gagné, Le Soleil

18 janvier 2025 à 04h00

(Infographie Le Soleil/Source 123rf)

Les États-Unis menacent le Canada? Ils veulent en faire leur 51e État? L’histoire ne date pas d’hier. Elle ressurgit de temps en temps. Comme un serpent de mer. Suivez-nous pour un voyage qui mène jusqu’aux débuts de la révolution américaine. Vous y croiserez une armée qui brûle la Maison-Blanche, un premier ministre qui se fait traiter de «tête d’œuf» et un général qui prend son souper en enfer…


En 1973, le roman Ultimatum connaît un succès fou au Canada anglais. L’histoire est simple. Brutale. Un beau jour, quelque part en 1980, le président des États-Unis lance un ultimatum au Canada.

Il exige un accès illimité aux réserves de gaz naturel du Grand Nord.

Le Canada refuse de céder. En réponse, le président annonce que les 10 provinces canadiennes sont absorbées par les États-Unis. Le livre se termine au moment où l’armée américaine se prépare à envahir le Canada.

Sur le coup, les critiques littéraires ne sont pas tendres envers Ultimatum. Ils lui reprochent ses longs passages techniques sur l’énergie du nord. Du vrai chloroforme! Un journaliste parle d’un roman «court et ennuyeux, avec des personnages en carton». (1)

Ça ne fait rien. En 1973, Ultimatum s’impose comme le livre le plus vendu au Canada anglais! Enhardi par le succès, l’auteur Richard Rohmer publie même une suite intitulée Exxonneration. Une deuxième partie bien plus mouvementée et… imprévisible!

Comme prévu, les États-Unis attaquent le Canada. Mais l’invasion tourne au désastre. La résistance canadienne imite les tactiques de guérilla du Viet Cong! L’Union soviétique envoie même des sous-marins nucléaires pour défendre le pays de la feuille d’érable! (2)

À la fin, les États-Unis battent en retraite. L’ogre américain est vaincu par le castor canadien! À côté de cela, même le combat entre David et Goliath passerait pour une histoire pleine de réalisme.

«Pouilleux» et «crâne d’œuf»

Contre toute attente, l’auteur d’Ultimatum, Richard Rohmer, se défend d’écrire de la pure fiction. Pour lui, l’invasion du Canada par les États-Unis américaine apparaît possible. (3) «D’ici quelques années, les États-Unis auront un grand besoin de gaz naturel et ils appliqueront la ligne dure envers le Canada», explique-t-il.



Il faut dire qu’au début des années 1970, les relations entre le Canada et les États-Unis se trouvent au plus mal. En 1971, le président Richard Nixon impose brièvement un tarif de 10 % sur tous les produits en provenance du Canada. L’année suivante, il déclare la mort de la «relation privilégiée» avec son voisin du nord.

À un certain moment, le président envisage même de mettre fin au pacte de l’automobile! De quoi provoquer un début de panique parmi les industriels canadiens.*

Devant les caméras, le président Richard Nixon et le premier ministre Pierre Trudeau restent polis. Sauf que personne n’est dupe. Les deux hommes se méprisent. En privé, Nixon parle de Trudeau comme d’un «fils de pute», d’un «pouilleux» et d’un «crâne d’œuf prétentieux». (4)

Pierre Elliott Trudeau et Richard Nixon ensemble à la Maison-Blanche, le 24 mars 1969.
Pierre Elliott Trudeau et Richard Nixon ensemble à la Maison-Blanche, le 24 mars 1969. (Archives AP)

Dans des enregistrements diffusés plus tard, on entend le président traiter le Canadien de «trou de c…». Informé du compliment, Trudeau aurait eu ce commentaire suave:



— «J’ai été traité de bien pire par des gens bien mieux que lui…»

À Québec ou en enfer?

À quoi bon se raconter des histoires? Les menaces américaines commencent dès la guerre d’indépendance. À l’automne 1775, deux armées américaines font le siège de Québec. Elles sont repoussées le 31 décembre, en pleine tempête de neige, grâce à des barricades érigées dans la basse-ville. (5)

Avant l’attaque, la légende veut que le général américain Richard Montgomery déclare: «Ce soir, je dînerai à Québec ou avec le dieu Hadès, en enfer». Finalement, le brave prend le chemin de l’enfer. Il est tué en bas de la Citadelle, dans ce qui deviendra le quartier du Cap-Blanc.

La bataille de Québec, le 31 décembre 1775
La bataille de Québec, le 31 décembre 1775 (Wikimedia Commons / Arnold’s column is shattered in fierce street fighting during the Battle of Quebec (Charles William Jefferys))

Les Américains plient bagage au printemps 1776. Mais ils ne renonceront pas tout de suite à leur province du nord. Dans la constitution de 1777, l’article 11 prévoit que «le Canada peut se joindre au pays avec tous les avantages des autres États». (6)

Plus tard, en 1812, la guerre éclate entre les États-Unis et la Grande-Bretagne. Le président américain Thomas Jefferson assure que la conquête du Canada se résumera «à une promenade jusqu’à Québec». Il se trompe. Lourdement.

Le conflit se termine sans faire de vainqueur. Mais il laissera des traces. En août 1814, pour venger une attaque sur la ville de York (Toronto), les troupes britanniques ont lancé un raid sur Washington. Plusieurs édifices publics ont été incendiés, incluant la maison du président. (7)

L'incendie de Washington, le 24 août 1814
L’incendie de Washington, le 24 août 1814 (Wikimedia Commons)

Au moment de la reconstruction, on repeint la façade en blanc afin de camoufler les signes de l’incendie. D’où l’habitude de surnommer le bâtiment la Maison-Blanche…

Une affaire oubliée? Pas tout à fait. En mai 2018, l’événement refait surface lors d’une conversation entre Justin Trudeau et Donald Trump. Le Canadien s’étonne que les États-Unis évoquent la «sécurité nationale» pour imposer des tarifs sur l’acier et l’aluminium canadiens.



Donald Trump répond, du tac au tac:

— «Les Canadiens n’ont-ils pas incendié la Maison-Blanche?» (8)

Sauvé par la guerre civile?

Durant tout le 19e siècle, les États-Unis s’affairent à agrandir leur territoire. Au nord comme au sud. En 1860, le gouvernement d’Abraham Lincoln publie même une carte officielle sur laquelle la Colombie-Britannique fait partie des États-Unis! (9)

À partir de 1861, la guerre civile détourne l’attention des États-Unis. Pas pour longtemps. L’Empire britannique soutient en catimini le Sud esclavagiste. Le Nord l’accuse de fermer les yeux sur des raids organisés à partir du territoire canadien.

Le 19 octobre 1864, un commando sudiste attaque la petite ville de Saint-Albans, au Vermont. Les combattants pillent trois banques. Ils mettent le feu à plusieurs édifices. Ils tuent un milicien local. Puis ils se réfugient au Canada. (10)

L’attaque provoque une explosion de colère. Le Chicago Tribune exige que les États-Unis «attrapent le Canada par la gorge et qu’ils l’étranglent comme un saint-bernard le ferait avec un caniche». (11)

Au lendemain de la guerre, les États-Unis veulent punir le Canada. Le libre-échange britannique est suspendu. Un élu du Massachusetts propose un plan d’annexion détaillé. Le territoire serait découpé en quatre États: le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, le Canada Est et le Canada Ouest. (12)

Finalement, le projet ne sera jamais adopté. Mais la menace américaine joue un rôle crucial dans l’union des colonies britanniques du nord pour former le Canada, en 1867. Mine de rien, les États-Unis poursuivent leur expansion. La même année, ils achètent l’Alaska à la Russie pour la modique somme de 7,5 millions (153,5 millions en argent de 2025).

Une transaction qui ressemble aujourd’hui au vol du siècle…

La peur de l’annexion en douce

Les relations entre le Canada et les États-Unis vont mettre du temps à s’apaiser. Les Américains refusent de restaurer le libre-échange. (13) Durant les années 1890, le républicain William McKinley est surnommé le «Napoléon du protectionnisme». Il parvient à faire voter une impressionnante collection de tarifs douaniers.

William McKinley
William McKinley (Wikimedia Commons)

À un certain moment, les tarifs atteignent en moyenne 49,5 % sur toutes les marchandises qui arrivent aux États-Unis!



Avec le temps, la menace des États-Unis change de forme. Le plus souvent, l’attitude des Américains envers le Canada frise l’indifférence. À la manière du gangster Al Capone, qui disait: «Je ne sais même pas sur quelle rue est situé le Canada…»

Au Canada anglais, on ne craint plus l’arrivée d’une horde de gros soldats qui vont se moucher dans les rideaux. On redoute plutôt une invasion culturelle et économique. Une «annexion en douce», qui fera du pays une colonie des États-Unis.

Le Québec s’inquiète aussi d’une assimilation «sans douleur». Dès 1936, des pères dominicains publient le livre Notre Américanisation. Ils évoquent une «annexion morale», à laquelle il faut résister. Ils accusent le cinéma, le sport, l’économie et surtout les… femmes. (14) Les malheureuses auraient été «désaxées» en sortant de leur foyer!

Un demi-siècle plus tard, en 1988, l’Accord de libre-échange cristallisera les craintes d’une annexion en douce. Le débat tourne vite au vinaigre. Le libéral John Turner accuse le conservateur Bryan Mulroney de livrer le pays aux États-Unis. Il rebaptise l’Accord «L’acte de vente du Canada».(15)

Une publicité électorale du Parti libéral montre un président américain qui efface la frontière entre le Canada et les États-Unis. Une voix caverneuse interpelle l’auditoire: «Qu’est-ce que nous sommes en train d’abandonner avec le libre-échange de Mulroney? Notre eau? Notre système de santé? Notre culture? La ligne est tracée. De quel côté êtes-vous?»

Le «dinosaure» contre le «moron»

Faut-il parler des relations orageuses entre les leaders canadiens et américains? En public, on se lance des fleurs. Derrière des portes closes, on se lance parfois le pot.

Reste que les stratégies peuvent varier. En mai 2018, Donald Trump qualifie Justin Trudeau de «malhonnête» et de «faible» dans un message très largement diffusé. (16) À ne pas confondre avec le président John F. Kennedy, qui griffonne l’abréviation «SOB» (Son of a Bitch) sur une feuille, après une rencontre avec le premier ministre John Diefenbaker.

Cela ne vous suffit pas? En 1965, durant la guerre du Vietnam, le Canadien Lester B. Pearson ose critiquer les bombardements sur le nord communiste. Furieux, le président Lyndon B. Johnson le «convoque» à Camp David. Dès qu’ils se retrouvent seuls, Johnson prend le Canadien par le collet. «Comment oses-tu venir ici pour pisser sur mon tapis»! hurle-t-il.

L’incident n’empêche pas Lester B. Pearson d’afficher son plus beau sourire, quelques minutes plus tard. Devant les journalistes, il insiste sur l’absence de «méchanceté» et «d’impérialisme» dans l’action des États-Unis. Il n’offre pas de laver les tapis du président, mais presque. (17)

L’histoire officielle insiste sur les relations cordiales entre le président Ronald Reagan et le premier ministre Bryan Mulroney. Elle préfère oublier que le président George W. Bush surnommait le premier ministre Jean Chrétien «dino», pour dinosaure. Et que ce dernier n’était pas en reste. En 2002, une proche conseillère du premier ministre doit même démissionner après avoir traité Bush «d’imbécile» [moron]. (18)



Jean Chrétien et George W. Bush le 9 septembre 2002
Jean Chrétien et George W. Bush le 9 septembre 2002 (Archives AP, Doug Mills)

Sur le coup, les farceurs assurent que Madame ne démissionne pas pour avoir insulté le chef d’État d’un pays ami. Non! Elle est punie pour avoir révélé un secret d’État!

Le 51e État, une idée populaire?

L’idée d’annexer le Canada aux États-Unis connaît des hauts, mais surtout des bas. Au Québec, elle a séduit de nombreux nationalistes, incluant Louis-Joseph Papineau. (19) Lors des révoltes de 1837 et de 1838, beaucoup de patriotes prônent l’intégration à la République américaine. Un certain nombre vont se réfugier aux États-Unis.

L’annexion ne disparaît jamais du paysage politique. En 2014, elle fait l’objet d’un colloque organisé par le Woodrow Wilson Center, un think thank de Washington. (20) Une chroniqueuse conservatrice évoque alors la «fusion du siècle». Le Canada anglais deviendrait le 51e État américain. Le Québec se contenterait d’un statut «semi-indépendant». Un peu comme Porto Rico…

L’annexion aux États-Unis séduit jusqu’à 34 % des électeurs québécois, en 2001. (21) L’appui serait toutefois retombé à 13 % en 2025. Le Parti 51, qui prônait le rattachement aux États-Unis, a cessé ses activités. Aux dernières élections, ses candidats avaient recueilli 689 votes. Quatorze de plus que le Parti marxiste-léniniste… (22)

Comprenne qui pourra. Ces jours-ci, Donald Trump parle de transformer le Canada en 51e État américain. À l’inverse, certains Américains rêvent de devenir Canadiens. En décembre, une sénatrice de l’État de New York, Liz Krueger, a lancé une proposition à moitié sérieuse. Elle voudrait que les États de New York, du Connecticut, du Massachusetts et du Vermont se joignent au Canada pour former une grande province du Sud! (23)

Finie l’époque où le Parti rhinocéros était seul à proposer que les États-Unis deviennent un territoire canadien. (24) C’est vrai. L’histoire ne se répète pas, mais il lui arrive de bégayer…

Épilogue: de la poudre aux yeux?

Le mot de la fin revient aux habitants des villages de Saint-Stephen et de Calais, situés de part et d’autre du fleuve Sainte-Croix, qui sert de frontière entre le Maine et le Nouveau-Brunswick. Depuis toujours, les gens des deux rives entretiennent des liens étroits qui dépassent les frontières.

Durant la guerre de 1812, on raconte que les militaires britanniques avaient fourni une imposante quantité de poudre à canon aux gens de Saint-Stephen. La cargaison devait servir à se défendre contre les «méchants» Américains de l’autre bord.

Le long du fleuve Sainte-Croix, l’ambiance n’était pas vraiment à la guerre. Personne n’avait envie de s’entretuer. À la fin, les villageois de Saint-Stephen auraient donné la poudre à leurs vis-à-vis américains pour faire des feux d’artifice lors de la fête nationale du 4 juillet.

De l’autre côté de la rivière, ils auraient eu droit à un spectacle magnifique.

L’histoire n’est peut-être pas vraie. Mais quelqu’un peut-il tout de même la raconter à Donald Trump?

* L’épisode provoquera de nombreux débats qui aboutiront à l’Accord de libre-échange de 1988.

DES ENVAHISSEURS BILINGUES!

La possibilité d’une invasion américaine a inspiré de nombreux auteurs de romans ou de bandes dessinées. Un filon inépuisable! Au Canada anglais, l’une des séries les plus connues estWe Stand on Guard. Elle s’est même retrouvée sur la liste des best-sellers du New York Times! (25)

En 2112, le Canada est attaqué par surprise par l’armée américaine qui peut compter sur des robots géants. Une attaque foudroyante. La ville d’Ottawa est anéantie en l’espace de quelques minutes. Les survivants abasourdis se replient dans le nord pour organiser la résistance armée…

Le plus étonnant, c’est que les robots envahisseurs s’expriment dans les deux langues officielles! À un certain moment, l’un d’eux est confronté à une résistante québécoise, au fond des bois. Il lui indique dans un français approximatif qu’elle se trouve dans une zone interdite.

La jeune femme tire un missile sur le robot, tout en s’écriant.

— Ton Français est pourri!


Notes:

(1) When America Declared War on Us, The Walrus, 5 avril 2020.
(2) New Book in Canada Depict U.S. as Domineering, The New York Times, 27 octobre 1974.
(3) L’auteur de «Ultimatum» croit à la menace des USA, Le Nouvelliste, 25 novembre 1974.
(4) Just-Released 1971 Recording Captures Talks Between Nixon, «Pompous»Trudeau, CBC News, 8 décembre 2008.
(5) Les tentatives d’annexion du Canada aux États-Unis dans l’histoire, Aujourd’hui l’histoire, Radio-Canada Ohdio, 14 janvier 2025.
(6) Articles of Confederation — 1777, house.gov.
(7) La guerre de 1812, qu’est-ce au juste? Radio-Canada, 8 juin 2018.
(8) Exclusive: Trump Invokes War of 1812 in Testy Call with Trudeau over Tariffs, cnn.com, 6 juin 2018.
(9) Idea of Canada Joining U.S. Has Been a Recurring Concept, Yukon News, 9 janvier 2025.
(10) The St-Albans Raid, The Canadian Encyclopedia, 7 février 2006.
(11) The Long History of the United States Imagining it Could Annex Canada, National Post, 7 janvier 2025.
(12) Idea of Canada Joining U.S. Has Been a Recurring Concept, Yukon News, 9 janvier 2025.
(13) Réciprocité, L’encyclopédie canadienne, 12 novembre 2019.
(14) Notre Américanisation, Enquête de la revue dominicaine, Éditions de l’Œuvre de presse dominicaine, 1937, 270 pages.
(15) Heated Words about Sovereignty and U.S. Trade? Sounds a Lot Like 1988, CBC News, 9 janvier 2025.
(16) G7 Unity Torpedoed by Angry Trump Tweets Dismissing Trudeau as «Dishonest & Weak», CBC News, 9 juin 2018.
(17) Awkward Moments between Canadian & U.S. Leaders from 1965 to 2019, CBC News, 6 décembre 2019.
(18) Canadian Government Aide Who Called Bush a «Moron» Resigns, The New York Times, 27 novembre 2002.
(19) Justin Richard Dubé, L’annexion aux États-Unis, un projet nationaliste? (…) Bulletin d’histoire politique, Vol. 19, No. 3, automne 2021.
(20) US Thinktank Ponders: How about Annexing Canada, Eh? The Guardian, 19 mars 2014.
(21) Sondage Léger Marketing: Les Québécois sont plus ouverts à une annexion aux États-Unis, Le Devoir, 10 septembre 2001.
(21) Résultats des élections générales du 3 octobre 2022, Élections Québec.
(23) Four States Could Secede From US and Join Canada to Avoid Trump—Democrat, Newsweek, 7 dcembre 2024.
(24) Tract électoral de Judi Skuce, candidate du Parti rhinocéros pour la circonscription fédérale de Beaches (East York), en 1979.
(25) Books/Best-Sellers, Hardcover Graphic Books, 5 juin 2016.

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