Mémoire musique O fortune

O Fortune

comme la Lune

à l’état variable,

toujours tu croîs

ou décrois.

La vie détestable

d’abord insensibilise

et ensuite veille

par jeu sur l’acuité de l’esprit,

la pauvreté

le pouvoir

elle les dissout comme glace.

Sort monstrueux

et vain,

tu [es] la roue qui tourne,

état mauvais

vain salut,

toujours divisée

ombrageuse

et voilée

tu me contrains aussi.

Maintenant par jeu

mon dos nu

je présente à ta scélératesse.

Le hasard du salut

et de la vertu

ne m’est pas contraire,

il est affecté

et épuisé

toujours en corvée.

À cette heure

sans retard

touchez la corde vibrante

qui par le sort

terrasse le courageux

avec moi tous pleurez.

De Fortune je pleure les blessures

les yeux pleins de larmes

parce que ses présents elle me

[les] retire rebelle.

Il est vrai, 

ce qui est dit, 

que son front porte de longs cheveux

mais le plus souvent s’ensuit

une occasion devenue chauve.

Sur le trône de Fortune

je m’étais assis noblement

des fleurs de la prospérité,

variées, couronnées ;

car j’ai prospéré quelque peu

heureux et comblé,

maintenant d’en haut je me suis écroulé

privé de ma gloire.

De Fortune la roue tourne :

je descends amoindri,

un autre s’élève là‐haut,

trop exalté

le roi s’assoit au sommet :

qu’il prenne garde à la ruine !

Car nous lisons sous le tableau

Reine Hécube.

Ce texte est issu d’un manuscrit du XIIIème siècle découvert, en 1803, au couvent de Benediktbeuren, dans le Tyrol. Il célèbre avec verdeur et sensualité le plaisir de manger, de boire, de jouer et dʹaimer. Carl ORFF fut enthousiasmé par la lecture de ces poèmes dont « le rythme entraînant et le caractère imagé de ces poèmes, et tout autant la musicalité riche en voyelles et la concision unique de la langue latine » lui inspire une musique qui rencontrera, dès sa création en 1937, un grand succès.

Les vingt‐quatre chants de la cantate encadrés par une invocation à Fortuna, déesse de la destinée et de la chance.

Extrait de CARMINA BURANA Cantiones profanae cantoribus et choris cantandae comitantibus nimbus instrumentis atque imaginibus magicis

O Fortuna – Carmina Burana de Carl Orff

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