Pourquoi dit-on «Américains» plutôt qu’«États-Uniens»?

Face à l’attitude expansionniste de Donald Trump, la façon de nommer les habitants de son pays fait débat.

Ce texte répond à une question posée par plusieurs lecteurs du Courrier des États-Unis. Pour vous inscrire gratuitement à l’infolettre, cliquez ici.

Les médias devraient-ils utiliser le mot « États-Unien » plutôt qu’« Américain » ?

Les mots et les noms deviennent parfois des « champs de bataille symboliques », dit au Devoir le linguiste Gabriel Martin. On l’a vu récemment lorsque le président des États-Unis, Donald Trump, a exigé que le golfe du Mexique soit rebaptisé, sur Google Maps et ailleurs, le golfe d’Amérique.

Autre sujet de discussion : le fait que, depuis les premiers jours des États-Unis d’Amérique ou presque, on appelle leurs habitants les « Américains ». Ici comme en France, des lecteurs réclament qu’on utilise plutôt le nom « États-Unien » et l’adjectif « états-unien », pour mettre en relief la véritable importance des États-Unis sur le continent.

« L’Amérique — les Amériques — est un continent, pas un pays. Habitants de cette Amérique, nous sommes Américains, au même titre que les Européens habitent l’Europe. En acceptant et utilisant le terme “américain” pour désigner et qualifier les réalités des États-Unis d’Amérique, nous encourageons leur perception erronée d’une hégémonie et d’une suprématie », nous écrit le lecteur Vincent Monet.

« Avec l’élection de Donald Trump pour un nouveau mandat dans ces États-Unis et son intention avouée “d’annexer” éventuellement le Canada, j’estime qu’il est grand temps d’affirmer haut et fort que l’Amérique et ses 35 pays et territoires n’appartiennent pas au seul pays “États-Unis d’Amérique” en le précisant clairement lorsqu’on fait référence à ce pays », ajoute un autre lecteur, André-Gilles Asselin.

Accepter comme dominant ?

De son côté, l’écrivain et traducteur Pierre Monette note que « les Amériques débordent largement des frontières de ces États-Unis qui s’arrogent depuis longtemps les appellations America et Americans ». « D’où la pertinence, voire la nécessité, de généraliser l’emploi de la désignation “États-Uniens” dans la mesure où, comme le souligne Pierre Bourdieu : “Donner à un individu ou à un groupe le nom qu’il se donne, l’Empereur, la noblesse, c’est le reconnaître, l’accepter comme dominant, admettre son point de vue, accepter de prendre sur lui le point de vue de parfaite coïncidence qu’il prend sur lui-même.” »

Il relevait d’ailleurs récemment dans nos pages que le mot « États-Unien » permet « de faire la part des choses entre les réalités propres à cette nation et celles du continent — et de s’insurger, comme on le fait en Amérique hispanophone en utilisant les appellations estadounidenses, yanqui et gringos, contre les visées hégémoniques de cet État qui s’est approprié le nom qui devrait désigner tous les habitants d’un espace débordant largement des frontières des États-Unis ».

Aux États-Unis, le célèbre journaliste et linguiste Henry Louis Mencken a répertorié au début du XXe siècle une série de termes de rechange utilisés entre 1789 et 1939, parmi lesquels on comptait Columbian, Columbard, Fredonian, Frede, Unisian, United Statesian, Colonican, Appalacian, Usian, Washingtonian, Usonian, Uessian, U-S-ian, Uesican et United Stater.

Aucun, évidemment, n’a véritablement percé à ce jour.

Muriel Gilbert, correctrice au Monde, en France, a jugé bon d’accorder au sujet une chronique sur RTL en février dernier, relevant qu’un lecteur avait reproché au journal de parler de Donald Trump comme du président « américain ». « En effet, Donald Trump n’est pas le président de tout le continent… Même s’il a parfois donné l’impression de le croire, en évoquant son fantasme de faire du Canada le 51e État de son pays. C’est sans doute ce qui explique le souhait de ce lecteur du Monde que l’on emploie un vocabulaire plus précis », écrit-elle.

Au Devoir comme au Monde, on utilise indifféremment les mots « Américains » et « États-Uniens » pour désigner les habitants des États-Unis. « Nous laissons aux auteurs des articles le choix du mot qu’ils préfèrent pour désigner les habitants des États-Unis ou comme adjectif. Si l’auteur écrit “Américains”, “américains”, nous respectons son choix. Si un autre préfère “États-Uniens”, “états-uniens”, on respecte son choix aussi », dit la correctrice Michèle Malenfant.

Article de Caroline Montpetit au journal le Devoir le 19 juillet 2025

https://www.ledevoir.com/societe/901834/pourquoi-dit-on-americains-plutot-etats-uniens

Une chanson de Jean-Pierre Ferland

Les paroles sur https://www.musixmatch.com/lyrics/Jean-Pierre-Ferland/God-Is-an-American