Trois perles

La nuit suivant la révélation des yeux de l’orpheline, j’ai rêvé que Swamiji m’avait donné trois perles, qui symbolisaient ce que j’avais compris de cette expérience.

La première est que « tout effet a une cause ».

La deuxième est que « cette cause est dans le passé ».

La troisième est que « de cette cause il est possible de se libérer ».

Tout effet a une cause : les angoisses et les peurs qui m’étouffent viennent de « je n’ai pas de maman ». C’est la cause. Cette cause est dans le passé. C’est arrivé quand j’étais bébé et maintenant je suis moi-même une maman.

De cette cause il est possible de se libérer.

Je ne comprends pas très bien cette notion : « se libérer ».

Il me semble que je vais m’éloigner de cette cause, qui va partir au loin et s’évanouir, et que je retrouverai mon monde d’avant avec ses repères familiers. Je vais découvrir très vite qu’il n’y a pas de retour en arrière possible. Pour se libérer, pour se défaire de cette souffrance, il faut s’en approcher, entrer dans cette absence de mère, faire corps avec cette douleur cruelle.

Je m’inquiète pour le bébé à venir. Swamiji me dit qu’il sera soulagé de toute cette tension qui s’en va.

L’angoisse épaisse devient transparente, le passé semble plus réel que le présent. Tout le corps est concerné. Tout ce que je suis, tout ce que j’ai été est concentré dans un processus douloureux qui apporte un soulagement incroyable : « je n’ai pas de maman ». Rien n’est plus vrai. Il y a si longtemps que je le savais, si longtemps que je l’avais oublié.

Les trois premières perles font partie d’un collier qui en compte bien d’autres.

Dans mes échanges avec Swamiji, il y a des perles que j’ai faites miennes assez vite, d’autres que j’ai promenées longuement avec moi. Au fil des ans, chacune s’est révélée plus précieuse encore qu’au premier jour.

Pour Swami Prajnanpad, spiritualité et autonomie ne font qu’un : il s’agit de trouver dans sa vie sa propre liberté d’être ! Colette Roumanoff (1941) a rencontré le philosophe indien Swami Prajnanpad à l’âge de 26 ans. Ses paroles l’ont accompagnée, jour après jour, dans un dialogue ininterrompu qui lui a permis de régler les graves problèmes qu’elle avait avec sa mère depuis l’enfance, de calmer ses angoisses, d’élever ses enfants et enfin, bien plus tard, d’affronter et d’accompagner l’Alzheimer de son mari Daniel jusqu’au bout.

Colette Roumanoff dans L’impermanence heureuse – Comment j’ai transformé ma vie avec la philosophie de Prajnanpad

Une pièce musicale de Taj Mahal | Music of Ancient India