Face à l’univers

La crise actuelle nous invite et nous pousse à coopérer davantage. Nous nous inscrivons véritablement dans la mouvance des forces de l’univers. Toute la philosophie du XIXème siècle était fondée sur cette même approche de la compétition que ce soit chez Marx avec la lutte des classes ou chez les libéraux avec la concurrence pure et parfaite. Le moment est venu d’inverser cette manière de voir, notamment dans l’éducation des enfants, et de considérer que la coopération est une force puissante qui s’exerce depuis le big bang. Le monde économique est entièrement fondé sur la compétitivité non régulée. Par conséquent, les pays qui payent mal leurs salariés sont plus compétitifs que les autres et cela va à l’encontre de toute justice sociale. Cela explique le profond déséquilibre de l’économie mondiale. Cette notion de compétitivité dans une économie globalisée ne peut être régulée par des décisions politiques dans la mesure où la politique n’est pas mondialisée. Il y a 193 États aux Nations Unies et ils sont bien loin de parler d’une seule voix pour réguler le libéralisme. Devant ce constat d’échec de la compétition en tant que modèle de fonctionnement entre les hommes, il faut prendre le problème par les racines et commencer par montrer que la coopération – ou symbiose ou mutualisme ou commensalisme – est une force puissante de l’univers et de la vie en particulier.  * Concrètement, la coopération suppose que nous sortions du « moi d’abord » et du « moi je » ; non pas qu’il faille détester son « moi », mais il serait préférable d’unir les individualités pour en faire émerger un « nous ». Cela suppose que nous nous positionnions tout à fait différemment par rapport à nos habitudes de consommation, que nous échappions à la tyrannie du désir perpétuel menant à la frustration perpétuelle, mais aussi à la tyrannie du mimétisme et des modes si prégnantes, pour aller vers ce que Pierre Rabhi appelle une « sobriété heureuse ». En outre ceci nous amènerait à ne pas consommer avec boulimie afin que les ressources naturelles soient économisées. Le mot « économie » reprendrait alors son sens premier : être économe. Ainsi, les générations futures trouveraient encore des ressources, car nous aurions pensé à elles au lieu de cultiver notre seul égoïsme.*Le cœur appelle le concept d’intelligence. Pour moi, l’intelligence peut constituer une arme redoutable quand elle n’est pas couplée à l’intelligence du cœur. Si l’intelligence fonctionne de concert avec le cœur alors elle se met au service de la communauté et s’enrichit du concept de coopération. C’est pourquoi j’ai toujours considéré que la première des qualités était l’intelligence du cœur.Pour se connecter à l’intelligence du cœur, il faut prendre beaucoup de recul par rapport aux flux des informations qui nous assaillent. Cela va de pair avec la capacité à s’entendre soi-même et à découvrir son intériorité et son cœur d’où peuvent jaillir – lorsqu’on en fait un bon usage – cordialité et bonté. Mais cela suppose de prendre ses distances avec notre société d’information et de communication qui s’avère très toxique lorsqu’elle est consommée à trop forte dose.  Il y a de « l’intelligence » dans la nature. Quand on voit comment les plantes ont « inventé » toutes sortes de stratagèmes pour s’adapter aux conditions de leur environnement, on se dit que la nature est intelligente. Comme les plantes, nous avons la capacité de trouver des modèles nouveaux pour perdurer. Propos de Jean-Marie Pelt

Trinh Xuan Thuan (1948) est un astrophysicien et écrivain vietnamo-américain.Trinh Xuan Thuan dans Face à l’univers

Une pièce musicale de Vangelis – Voices