Vagabondage

L’amour découvre l’extraordinaire dans l’ordinaire.

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Il ne faut qu’un souffle pour éteindre la lumière.

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Sentir ce qui est habituel et familier avec une fraîcheur d’impression renouvelée est le don d’un artiste. Le commun des hommes ne peut voir et agir que selon l’habitude.

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Comme l’automne, la fin de la jeunesse vient sur nous comme une période paisible et pleine de charme, où le fruit de la vie comme le blé mûr est préparé dans une atmosphère de belle sérénité. Les agitations de la jeunesse n’y sont plus à leur place. Les bases de nos vies ont été plus ou moins sûrement établies, notre personnalité s’est développée à travers les peines et les joies, dans un monde où le mal, comme le bien, e formé notre caractère. Nous avons alors retiré nos désirs de ce royaume enchanté qui est au-delà de notre atteinte, et nous les avons placés dans les limites des choses possibles. Nous ne pouvons plus attirer les yeux éblouis d’un jeune amour, mais nous devenons plus chers à ceux qui nous ont connus. Tandis que l’éclat de la jeunesse lentement se fane, la nature intérieure qui ne connaît pas de vieillesse s’imprime sur le visage et dans les yeux à force d’y avoir longtemps habité.

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Les légendes nous racontent qu’un habile fabricant d’armes peut façonner des épées si tranchantes que l’homme coupé en deux ne s’en aperçoit pas. Mais s’il est secoué, les deux parties se séparent. L’épée du destin est aussi aigüe. Lorsqu’elle avait séparé la jeunesse de Mrinmayi de son enfance, Mrinmayi ne s’en était pas aperçue. Mais aujourd’hui, à cause d’une secousse, les deux parties de sa vie se détachèrent l’une de l’autre, et Mrinmayi en fut tristement surprise.

Rabindranath Tagore dans Le vagabond et autres histoires

Une pièce musicale de Jean Luc Ponty, John McLaughlin et Zakir Hussain – Lotus Feet