Gurdjeff parle à ses élèves

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 Je sais que vous comprenez l’unité des lois qui gouvernent l’univers, mais je dirai que cette compréhension n’est qu’abstraite et théorique. Il ne suffit pas de concevoir avec l’intellect, il faut sentir avec tout votre être l’exactitude absolue et l’infaillibilité de cette vérité ; alors seulement, vous pourrez dire consciemment et avec une pleine conviction : ‘’Je sais’’ »

Tel était à peu près le sens des paroles par lesquelles M. Gurdjieff engagea la conversation.

Ensuite, il dressa un tableau saisissant de la sphère dans laquelle se déroule la vie de toute l’humanité. Les idées qu’il exposait servaient à illustrer la formule d’Hermès. Par analogie, il passa des petits événements de la vie quotidienne d’un homme aux grandes périodes de la vie de l’humanité entière, faisant ainsi ressortir l’action cyclique de cette Loi d’analogie dans la sphère plus restreinte de la vie de l’humanité terrestre. Puis, de la même manière, il passa de l’humanité à ce que j’appellerais la vie de la Terre. Il la décrivit comme un grand organisme pareil à celui de l’homme, en se référant à la physique, à la mécanique, à la biologie, etc. Je voyais sa pensée s’intensifier de plus en plus et converger vers un seul foyer. Tout ce qu’il disait aboutissait inévitablement à la grande loi de la Tri-unité, la loi des trois forces d’action, de réaction et d’équilibre, ou des trois principes actif, passif et neutre. S’appuyant sur cette loi, prenant comme base de départ la Terre, sa pensée, d’un vol audacieux, s’étendit à tout le système solaire. Examinant les relations « Terre-Soleil », il insista sur les aspects de la loi les plus proches de l’homme. Puis, d’une phrase brève, il franchit les limites du système solaire. D’abord surgirent des données astronomiques, qui peu à peu s’effacèrent devant l’immensité de l’espace et disparurent enfin complètement. Seule restait la grande idée qui émanait de cette même loi. Ses paroles résonnaient, lentes et majestueuses, et en même temps semblaient s’éloigner et perdre leur sens. On percevait derrière elles la vie d’une pensée prodigieuse.

«Nous sommes au bord de l’abîme que ne peut jamais franchir l’intelligence ordinaire de l’homme, dit-il.

Sentez-vous combien les paroles deviennent superflues et inutiles ? Sentez-vous combien la raison, à elle seule, est impuissante? Nous touchons là au Principe de tous les Principes. » Puis il se tut, regardant pensivement devant lui.

Saisi par la beauté et la grandeur de cette pensée, j’avais cessé peu à peu d’écouter les paroles. Je dirais que je les sentais – ce n’était pas par la raison que je recevais l’idée, mais bien par l’intuition. L’homme en bas, dans sa petitesse, avait complètement disparu. J’étais rempli à la fois du sentiment d’être en présence de l’Immense, de l’Impénétrable et de la conscience profonde de ma propre nullité.

Georges Gurdjieff  dans Gurdjeff parle à ses élèves

Une pièce musicale de George Gurdjieff – Without Borders

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