Le façonnement et le Zen

Maître Dogen

Tout dressage consiste fondamentalement en ce que j’évalue ma vie, en ce que je la juge bonne ou mauvaise; toute appréciation de mes phénomènes extérieurs ou intérieurs est une caresse ou un coup donné à mon cheval.

Et le Zen nous rappelle avec insistance l’intérêt de dépasser cette partialité : « Aussitôt que vous avez le bien et le mal, la confusion s’ensuit et l’esprit est perdu. » Le Zen nous montre que cette évaluation, ce dressage, constitue la manipulation intérieure fâcheuse dont nous avons l’habitude et dont nous devons nous déshabituer; c’est le « faire » regrettable auquel le Zen fait allusion quand il nous dit que nous n’avons rien à faire, que nous devons apprendre à ne plus faire.

Mais ce conseil est difficile à bien comprendre. Si j’y vois une condamnation du dressage, je me trompe, car cette condamnation ne me sort pas de l’évaluation; elle n’aboutit qu’à une inversion du dressage; dans cette fausse compréhension, je me dresserais à ne plus me dresser, ce qui ne changerait rien; je croirais, sans sortir de mon erreur, en l’efficacité réalisatrice d’un « contre-dressage » qui serait encore un dressage.

Le Zen nous dit de ne pas toucher à la vie : « Laissez les choses comme elles peuvent être. » Il n’y a pas lieu pour moi de modifier directement les habitudes que j’ai de me dresser. C’est indirectement seulement que je puis obtenir la disparition de ces habitudes, grâce à ma compréhension de plus en plus profonde que ces tentatives de dressage, que je continue de faire, n’ont en elles-mêmes aucune efficacité réalisatrice.

Hubert Benoit dans La doctrine suprême selon la pensée Zen

Une pièce musicale de Kitaro – Koi

Une réflexion sur “Le façonnement et le Zen

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