Les contes

ImAGE Chemin des livres

L’idée que les contes sont faits pour les enfants est fausse. Elle vient d’une dérive très occidentale et moderne. Dans beaucoup de sociétés, quand on commence à raconter des contes sérieux, les enfants vont se coucher… Mon hypothèse est que les contes constituent la littérature des illettrés. Ce sont des histoires qui ont circulé dans le peuple, qui ne savait ni lire ni écrire, et qui remontent peut-être aux temps où l’écriture n’existait même pas. Ces histoires ont été sans doute en grande partie véhiculées par les femmes. Car les illettrés des illettrés, les négligeables des négligeables, c’étaient évidemment les femmes. Les contes ont donc été considérés comme la littérature des ignorants et, à partir du moment où la société s’est civilisée, et où l’école est apparue, devenant même obligatoire, et où tout le monde a appris à lire et à écrire, les ignorants parmi les ignorants sont devenus les petits enfants. Il y a donc eu une sorte de glissement et de confusion entre littérature des pauvres et littérature pour enfants. Or, c’est faux pour ce qu’on appelle les « sociétés primitives », et dans une grande partie du monde occidentale.

Il faut observer comment les contes s’y sont pris pour se faufiler à travers le temps, comment ils se sont servis du mépris dont ils étaient l’objet pour se donner des forces, pour passer quand même, comment ils nous disent que l’importance d’une parole ne se mesure pas au bruit qu’elle fait : les contes ne sont jamais passés au journal de vingt heures ! Aujourd’hui, on pense que l’importance d’une parole se mesure au bruit qu’elle fait, au fait que dix millions, cinquante millions, cent millions de personnes l’entendent. On peut dire une ineptie entendue par cinq cents millions de personnes, ça n’en reste pas moins une ineptie. Le conte, lui, n’est jamais entendu par des millions de personnes, mais il a été entendu par cent millions de fois une personne. Dans le secret d’un lit, d’un coin de feu, d’une parole qui se faufile partout, comme la vie…

Vous savez, Bouddha n’a pas arrêté de dire des contes, et pas à des enfants. Et le Christ ! Et je ne parle pas d’Homère ni des auteurs du Màhâbhârata ! Toutes les traditions spirituelles, les soufis, les moines zen racontent des contes, et ce ne sont pas des histoires tout justes bonnes à endormir les petits. Mais je suis persuadé que si le conte a survécu, c’est justement grâce au mépris dont il a été ‘victime. Parce qu’ainsi, on ne s’en est pas préoccupé, on n’a pas essayé de le manipuler pour en faire du pouvoir, on l’a laissé vivre. Le conte n’était pas récupérable par les lettrés, qui n’allaient pas s’abaisser à tenter de démontrer qu’une citrouille ne peut pas se transformer en carrosse. Ainsi, les contes se sont faufilés à travers les siècles parce qu’on ne s’en occupait pas.

Le conte n’est pas de chair et ne peut donc ni pourrir ni se défaire. C’est une immense leçon de vie : Soyons comme les contes, ils ne nous enseignent pas seulement par ce qu’ils disent, mais par la manière dont ils vivent. Regardez-les vivre et prenez modèle. Pour moi, c’est une telle leçon de vie que j’ai pris les contes comme maîtres. Ils m’ont dit : « sois fluide ! Ne te fixe pas ! Ne t’accroche à aucune opinion ! Ni à aucune personne ! Mais sois perpétuellement aimant.

Henri Gougaud dans Donner du sens à sa vie

Une chanson de Paul Piché interprétée par Fred Pellerin – Moi je raconte des histoires

Les paroles et les accords sur https://www.boiteachansons.net/Partitions/Paul-Piche/Moi-j-raconte-des-histoires.php

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