Un thé dans la toundra

Tu es musique

Tes nuages sont sans frontières

Quand ils s’approchent

Leurs odeurs se parfument de brume

Tu danses la pureté des gouttes

Les yeux éteints

Je perçois ta beauté

Tes mélodies

Je dépose du tabac

En offrande sur une pierre

Je te suis redevable

Pour ma liberté

*

Je ne sais pas chanter

Pourtant, dans ma tête

Un air me rappelle

La verte Toundra

Mon corps s’appuie

Sur une présence

Invisible

La ville où j’erre

Et l’espoir que tu m’accueilles

Puisque je suis

Toi

*

Ce matin

Il neige à gros flocons

Je m’attarde à mon rêve

Je suis au pensionnat

Septembre, je pars avec mes parents

Sur le territoire

Je suis le saumon qui remonte les chutes

Et fraie les eaux pour la pondaison

Cette fois, impossible

Car je dois apprendre à lire et à écrire

Mon savoir devra apprendre à prendre le temps

Je dois être absente

De l’enseignement de mon identité

Aujourd’hui est aujourd’hui

J’enseigne mon identité

Dans une salle de classe

Je redeviens moi

Dans un rire

J’ignore si demain me gardera intacte

Je dis que l’espoir de se laisser être

Éloigne le désespoir

Joséphine Bacon, née en 1947, est une poétesse innue originaire de Betsiamites. Elle est également réalisatrice de films documentaires, parolière et auteure des textes d’enchaînement du spectacle de Chloé Sainte-Marie : Nitshisseniten e tshissenitamin. Après Bâtons à message, Joséphine Bacon nous fait découvrir son territoire de manière plus marquée : la toundra. C’est une expédition où nous sommes guidés à vivre les moindres émotions que procure la toundra. La poésie nous permet d’entrer, de respirer la terre et de fouler ces espaces qui entrent en nous comme une grande prière.

Joséphine Bacon dans Un thé dans la toundra

Une pièce musicale de Oki-Sondakwa: Wendat Chant