Les âges

Loin du fonctionnalisme qui ne voit de chaque maillon que sa place dans la chaîne, le gland que par le chêne, la chenille que par le papillon, nous chercherons dans chaque instant cette plénitude close qui n’a de raison d’être qu’en elle-même. La forme de pensée, qui traque le sens de ce qui est dans ce qui en résulte et qui s’arroge le pouvoir d’accorder des valeurs, de décider de l’importance ou de l’insignifiance de chaque phénomène selon ses propres critères utilitaristes, n’est qu’une embaumeuse de cadavres.

Je veux retrouver la faculté d’émerveillement sans laquelle rien de vivant ne se révèle.

Pour ce faire, je me garderai d’innover, d’ajouter à d’autres contenus des contenus encore. Un rhume des foins chatouille les esprits d’aujourd’hui, les met sans cesse au bord de l’éternuement d’une mode nouvelle. Dans l’histoire humaine pétrie de millions d’années, cette petite épidémie d’influenza de notre Europe n’a pas trois siècles d’âge. Un courant d’air l’emportera. Il suffit d’ouvrir la porte.

Attardons-nous, tout au contraire, à retrouver sous les montagnes de gravats les traces, les repères, les signes. Non pas par nostalgie ni traditionalisme couard comme d’aucuns se plairont à croire, mais bien par audace et par goût passionné de l’aventure.

Car le seul esprit révolutionnaire désormais est celui qui devant la création ose l’humilité.

La vie n’appartient pas aux mains rapaces qui la vendent, la violent, la manipulent et la dominent. Elle ne se donne qu’aux yeux qui la contemplent.

Il est temps désormais de tenter autre chose que ce qui semble à beaucoup fatal – et de prendre nos intuitions et nos rêves pour ce qu’ils sont : des réalités en jachère et qu’il ne tient qu’à nous d’ensemencer.

Christiane Singer dans Les âges de la vie

Une pièce musicale de Alexandra Stréliski – Concerto in D Mino

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