Les magiciens

En bon Jardin, j’ai toujours distingué des êtres qui sortent du cadre (out of the box) de ceux qui dessinent un autre cadre (la box elle-même). La deuxième ethnie est évidemment la plus rare.

Un jour que je surveille des enfants en tant que moniteur de colonie de vacances en Suisse, je m’aperçois que chaque soir un petit garçon reste hypnotisé par la présentatrice météo d’une chaîne helvétique, juste avant le JT local. Je discute avec lui et comprends avec stupeur qu’il assiste religieusement à ce rituel télévisuel car il est persuadé que la jeune femme ne prévoit pas le temps qu’il fera le lendemain, mais qu’elle ordonne aux éléments : « Demain il neigera le matin et à midi des éclaircies apparaîtront «, etc. Le cerveau de ce petit garçon évolue dans un tout autre cadre que le mien, un cadre magique où il est possible – quand on en a le pouvoir – de donner des ordres au soleil et aux nuages. Au lieu de détromper le gamin, je le félicite d’être le seul du chalet à avoir repéré une aussi grande magicienne. Il me sourit, heureux que j’accepte de rentrer dans son cadre où la journaliste météorologue, sur sa dévote lancée, peut faire se lever le soleil ou le sommer d’aller faire dodo.

Il ne faut jamais décourager un être humain qui a la grâce de s’échapper des références des autres. Dès que nous réintégrons le référentiel du commun, nous mourons un peu. Dès que nous réinventons le monde avec une grâce d’enfant, nous redevenons de grands vivants.

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Me voilà convaincu que nous sommes présents au monde par ce que nous en pensons. Dès lors, changer l’idée qu’on s’en fait, c’est changer non le monde, mais son monde. Ce qui est déjà considérable.

Alexandre Jardin dans Les magiciens

Une pièce musicale de Secret Garden – Song From A Secret Garden

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