Bonheur

Un matin, je regardais un arbre avec quelques fleurs rouges et une douzaine de moineaux. Tout ce que je voyais produisait en moi un sentiment de jubilation intérieure et de perception de la pureté infinie des phénomènes. Puis je me suis imaginé une situation d’« échec », suscitant toutes sortes de sentiments négatifs. Brusquement, l’arbre m’apparut poussiéreux, les fleurs étiolées et le pépiement des moineaux agaçant. Je me suis demandé quelle était la façon correcte de voir les choses. La raison qui me fit penser que la première était plus juste tient au fait qu’elle engendre une attitude ouverte, créatrice et libératrice, et se traduit par une plus grande satisfaction. Cette attitude permet d’embrasser spontanément l’univers et les êtres et d’abolir toute séparation égocentrique entre soi-même et le monde. En revanche, lorsqu’on s’en tient à une perception « impure » des phénomènes, il y a quelque chose qui cloche : on se sent « déconnecté » de l’univers, qui apparait alors comme une image terne, étrangère, lointaine et artificielle.

Il y a de nombreuses façons de faire l’expérience du monde. Voir la vie en or, c’est essentiellement se rendre compte que tous les êtres, y compris nous-même, ont en eux un extraordinaire potentiel de transformation intérieure et d’action. C’est absorber le monde et les êtres avec confiance, ouverture et altruisme. Mais cela ne signifie pas qu’il faille voir la vie en rose, se voiler la face devant la réalité et déclarer avec une naïveté béate que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. À quoi bon se raconter des histoires ?

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Le bonheur ne se décrète pas, ne se convoque pas, mais se cultive et se construit peu à peu dans la durée. Le bonheur est une manière d’être, or les manières s’apprennent.

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Souviens-toi qu’il existe deux types de fous : ceux qui ne savent pas qu’ils vont mourir, ceux qui oublient qu’ils sont en vie.

Matthieu Ricard dans Plaidoyer pour le bonheur

Une pièce musicale de Eric Aron – Himalaya

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