Banc du temps

Dans notre jardin de Malicorne, nous avons, près d’un étang, un banc nommé le « banc du temps qui passe ». Je m’y assieds souvent pour me sentir appartenir au cosmos, avec les libellules, les carpes, les bergeronnettes posées sur les nénuphars et le grand saule pleureur.

Si je suis là, si je peux réfléchir, c’est que nous habitons un Univers dans lequel s’est déroulé un événement extraordinaire, une saga épique que nous appelons la « croissance de la complexité ».

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Lecteur, prends encore une longue respiration ! Sens l’air frais qui monte dans ton nez. Les atomes qui entrent en toi ont été respirés d’innombrables fois dans les derniers milliards d’années. Leur carrière a commencé dans les eaux tièdes où la vie est née sous forme de microscopiques organismes marins. Ils sont passés par les branchies des trillobites ainsi que dans celles des grands poissons aux carapaces rigides. Ils ont été aspirés par les vaisseaux dressés à la verticale des fougères, des prêles géantes et des ginkgos aux feuilles dorées. Ils ont été accueillis dans les premières ébauches de poumons des Léviathans de l’époque jurassique. Ils se sont intégrés dans le parfum subtil des plantes à fleurs pour séduire les insectes transporteur de pollens. Et pense aussi aux innombrables êtres humains, tes ancêtres, qui ont profité de cette manne indispensable lentement apprêtée par la nature avec le concours de microscopiques organismes marins, toujours à l’œuvre dans les océans. Au-dessus de la surface, au-dessus de chaque vague, le lent flux des nouvelles molécules d’oxygène se poursuit continuellement.

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En peu de mots : protéger la biodiversité, c’est veiller au bon fonctionnement des processus naturels qui perpétuent la vie.

D’étonnantes coïncidences atomiques et cosmiques ont permis à l’Univers de s’organiser, s’enrichir et nous donner naissance. Du noyau de carbone aux profondeurs de la planète, du rayonnement fossile aux mystérieux neutrinos, que d’étranges phénomènes ont contribué à la complexité du monde ! Mais sa richesse et sa beauté sont désormais mises en péril sur Terre par l’Homme, devenu la principale menace pour son environnement, pour la biodiversité, et finalement pour lui-même. Comment concilier la belle-histoire de l’Univers et la moins-belle-histoire de l’Humanité ? Nous offrant l’une et l’autre en parallèle, Hubert Reeves met son talent de conteur de science au service de notre nécessaire prise de conscience. Sans nous masquer la gravité de la crise écologique, il relève les signes d’une réaction qui nous permet d’espérer un avenir plus vert.

Hubert Reeves (1932), astrophysicien, enseigne la cosmologie à Montréal et à Paris.

Hubert Reeves dans Là où croît le péril… croît aussi ce qui sauve

Une pièce musicale de Ole-Bjørn Talstad – Kveld

5 réflexions sur “Banc du temps

  1. Merci Daniel pour cette qui nous porte à la réflexion et la gratitude pour cette vie planétaire qui a respiré ( comme dit Mr Reeves ) jusqu’à aujourd’hui … je le cite :  » Sans nous masquer la gravité de la crise écologique, il relève les signes d’une réaction qui nous permet d’espérer un avenir plus vert.  » … Oui portons cet espoir … ! Mes amitiés …

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