
Parvenir à l’âge adulte n’est déjà pas facile, parvenir à être aîné, je le sais encore moins. Certains diraient que je suis une aînée, d’autres non. Surtout quand je pense aux enseignements des Anciens ou à cet homme de Nutash-kuan que j’enregistrais pour connaître mon histoire. Un jour, je lui ai demandé son âge, il avait alors 65 ans et il se considérait comme un ussinititshu qui veut dire jeune homme en innu-aimun. Il avait la jeunesse des arbres. J’ai vu passer plusieurs années, je ne sais pas encore si j’ai atteint l’âge des aînés. J’ai appris d’eux, savoir transmettre, donner à ceux qui veulent entendre, qui à leur tour continueront encore une fois, kau minuat une fois de plus, pour la mémoire.
*
Le sommeil me rejoint
Dehors c’est l’été
Pour pas longtemps
La pluie se fait rare
Les yeux fermés
J’écoute les pas
Autour
Voix faibles
*
Je n’ai pas besoin d’être riche
Pour être vivante
J’ai besoin de l’air du vent
De l’oxygène
Aux rire de mes dents
Je poursuis le temps
Qui me manque
*
Parle-moi sans mot
J’aurai un silence
À t’offrir
Joséphine Bacon, née en 1947, est une poétesse innue originaire de Betsiamites. Elle est également réalisatrice de films documentaires, parolière et auteure des textes d’enchaînement du spectacle de Chloé Sainte-Marie : Nitshisseniten e tshissenitamin. Quatrième recueil de poèmes en innu-aimun et en français où Joséphine Bacon renouvelle son univers. Loin des légendes innues, l’aînée des poètes s’installe entre les saisons et avance lentement dans une méditation sur l’arbre, le temps et le silence.
Joséphine Bacon dans Kau minuat – Une fois de plus
Une pièce musicale de Lets Hop To It – Bryden Gwiss Kiwenzie
