Etty Hillesum – L’histoire de sa vie

Hetty Hillesum

Ce samedi 15 mars, elle écrit dans son journal à neuf heures et demie du matin : « C’est un problème de notre époque. La haine farouche que nous avons des Allemands verse un poison dans nos cœurs. “On devrait les noyer, cette sale race, les détruire jusqu’au dernier” – on entend cela tous les jours dans la conversation, et on a parfois le sentiment de ne plus pouvoir vivre cette époque maudite. Jusqu’au jour où est venue soudain jusqu’à moi, il y a quelques semaines, cette pensée libératrice qui a levé comme un jeune brin d’herbe encore hésitant au milieu d’une jungle de chiendent : n’y aurait-il plus qu’un seul Allemand respectable, qu’il serait digne d’être défendu contre toute la horde des barbares, et que son existence vous enlèverait le droit de déverser votre haine sur un peuple entier. »

Cette haine, estime Etty, était une maladie de l’âme. Mais elle n’était pas dans sa nature. Ainsi formule-t-elle, dès les premières pages de son journal, l’attitude spirituelle qui, en définitive, va sceller son destin.

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Beaucoup de vies connaissent un point de bascule. Un point à partir duquel les choses changent de façon si radicale que l’on peut parler dès lors d’un « avant » et d’un « après ». Pour Etty, c’est la rencontre avec Spier qui a représenté ce grand tournant. Elle a connu une seconde naissance en tant qu’être humain, et vécu cette transformation désirée si ardemment et depuis si longtemps qui a fait d’elle un écrivain.

Est-ce la raison pour laquelle Etty, dans son journal, parle si peu des événements qui ont jalonné sa vie avant ce 3 février 1941 ? On a souvent l’impression qu’elle est entièrement absorbée par son nouveau moi – et qu’elle préfère ne pas être rappelée à ce qu’était l’ancien. En écrivant, elle fait constamment la distinction entre « autrefois » – sa vie d’avant Spier – et « maintenant », comme pour souligner qu’elle est réellement devenue quelqu’un d’autre.

Pourtant, cette renaissance a bien été précédée par toute une vie. Et les parents d’Etty eux aussi, avec leur histoire personnelle, ont laissé des traces dans cette vie.

Judith Koelemeijer (1967- ) a fait des études de littérature néerlandaise et suivi une formation journalistique. Elle a collaboré jusqu’en 2000 au quotidien De Volkskrant avant de se consacrer entièrement à la création littéraire et au genre du récit.

Judith Koelemeijer dans Etty Hillesum – L’histoire de sa vie

Une pièce musicale de Ólafur Arnalds – Happiness Does Not Wait

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