Après le désarroi

Qui a connu l’amour pur, l’amour fou, l’amour tel qu’il se donne d’ordinaire aux adolescents, cet amour qui métamorphose le monde et nimbe jusqu’à la moindre chose d’un éclat étincelant et captivant, qui a connu cet amour a connu l’esprit.

Et qui a connu l’émerveillement devant la beauté, celle d’une jonquille ou d’un flocon de neige, celle d’un chant ou d’un poème, celle d’un tableau ou d’une cathédrale, a aussi connu l’esprit.

Et, je veux le croire, il n’en est aucun parmi nous qui n’est éprouvé, ne serait-ce qu’en de trop brefs instants la joie engendrée par la beauté ou par l’amour.

Néanmoins, il convient de ne pas s’y tromper ; de tels instants ne sont jamais que ceux de premiers et seuls effleurements. De les avoir connus n’équivaut certes pas à être né à soi-même. En vérité, le don de ces instants est seulement d’avoir permis d’entrevoir et de vivre, un instant, la merveille que nous sommes et avons à être. Mais il reste à la mettre au monde, ceci en s’abandonnant toujours plus complètement à elle, et à chaque jour que Dieu fait. Car telle est la nouvelle naissance.

*

Soulignant ce fait, j’en viens à cette remarque d’apparence bénigne, mais que je crois capitale. Est-il vrai – surtout de nos jours – que la conception anthropologique moderne qui prive l’homme de sa dimension spirituelle, qui le prive de l’esprit, et le condamne par là à n’être que physique et psychique, que corps et âme, est-il vrai que cette conception « marche »? Est-il vrai qu’elle « marche » si bien que cela? Le contraire n’est-il pas bien plus évident? Et si l’essentiel des maux qui accablent l’homme actuel: maladies, angoisse, solitude, dépression, suicide, drogue….., si l’essentiel des maux qui atterrent les sociétés modernes: chômage, inégalité, pauvreté, racisme, délinquance, criminalité, terrorisme, guerres…., si l’essentiel des maux qui maintenant exténuent la terre: extinction des espèces animales, réchauffement climatiques, marées noires, désertification, épuisement des ressources, déforestation éhontée… si cet essentiel venait précisément, de ce que l’homme se conçoit, se construit et se vit sur la base d’une représentation de lui-même qui soit fausse et ne rende pas justice à la réalité de son être? D’une représentation de lui-même qui, parce qu’elle déforme tout ce qu’elle voit et tout ce qu’elle touche, ne lui donne pas accès au monde tel qu’il est et le plonge dans un immense désarroi?

Michel Fromaget dans Modernité et désarroi

Une pièce musicale Geoffrey Oryema – Makambo

Les paroles sur https://www.musixmatch.com/fr/paroles/Geoffrey-Oryema/Makambo/traduction/francais

Laisser un commentaire