Vaincre le temps

 « Est-ce que le fleuve t’a aussi initié à ce mystère: que le temps n’existe pas? »

— Oui, Siddhartha, lui répondit-il. Tu veux dire sans doute que le fleuve est partout simultanément: à sa source et à son embouchure, à la cataracte, au bac, au rapide, dans la mer, à la montagne: partout en même temps et qu’il n’y a pas pour lui la moindre parcelle de passé ou la plus petite idée d’avenir, mais seulement le présent?

— C’est cela, dit Siddhartha. Et quand j’eus appris cela, je jetai un coup d’œil sur ma vie, et elle m’apparut aussi comme un fleuve, et je vis que Siddhartha petit garçon n’était séparé de Siddhartha homme et de Sid­dhartha vieillard par rien de réel, mais seulement par des ombres. Les naissances antérieures de Siddhartha n’étaient pas plus le passé que sa mort et son retour à Brahma ne seront l’avenir. Rien ne fut, rien ne sera; tout est, tout a sa vie et appartient au présent.

Siddhartha parlait avec enthousiasme, car la lumière qui s’était faite en lui le comblait de joie. Oh! toute souffrance n’était-elle donc pas dans le temps, toute torture de soi-même, toute crainte, n’étaient-elles pas aussi dans le temps? Est-ce que tout ce qui dans le monde pesait sur nous ou nous était hostile ne disparaissait pas et ne se surmontait pas dès qu’on avait vaincu le temps, dès que par la pensée on pouvait faire abstraction du temps?

Hermann Hesse (1877-1962) est un romancier allemand naturalisé suisse. Il a fait une œuvre majeure qui explore des voies humaines incontournables.

Un jour vient où l’enseignement traditionnel donné aux brahmanes ne suffit plus au jeune Siddhartha.

Quand des ascètes samanas passent dans la ville, il les suit, se familiarise avec toutes leurs pratiques mais n’arrive pas à trouver la paix de l’âme recherchée. Puis c’est la rencontre avec Gotama, le Bouddha. Tout en reconnaissant sa doctrine sublime, il ne peut l’accepter et commence une autre vie auprès de la belle Kamala et du marchand Kamaswani. Les richesses qu’il acquiert en font un homme neuf, matérialiste, dont le personnage finit par lui déplaire.

Il s’en va à travers la forêt, au bord du fleuve. C’est là que s’accomplit l’ultime phase du cycle de son évolution. Dans le cadre d’une Inde recréée à merveille, écrit dans un style d’une rare maîtrise, Siddhartha, roman d’une initiation, est un des plus grands de Hermann Hesse, Prix Nobel de littérature.

Hermann Hesse dans Siddhartha

Une pièce musicale de Karunesh · Bruno Reuter – Oasis moon

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