
Avant nous
j’attends un commencement
qui ne peut finir
l’accusation brève culpabilise
le sauvage que nous sommes
vous souvenez-vous de ceux
qui seront après vous?
dans l’éclat de vos rires-larmes
se trouve
notre poésie
*
mes os ont mal
frémissant du manque de mots
une douleur se fige
sans pouvoir raconter
qu’un hier lui échappe
je rêve d’un seul récit
qui dicterait sans faute
toute une vie vécue
tu ne me regardes pas
tu ne me vois pas
tu ne m’entends pas
tu ne m’écoutes pas
tu ne me parles pas
tu es ici en conquérant de ma Terre
tu m’emprisonnes dans ma Terre
tu me prives de mon identité
tu me prives de mon territoire
tu m’enchaînes dans des réserves que tu as créées
tu veux être maître de mon esprit
qui suis-je ?
tu ne me connais pas
tu m’appelles : Montagnais
tu m’appelles : Cri
tu m’appelles : Tête de boule
tu m’appelles : Algonquin
tu m’appelles : Naskapi
tu m’appelles : Abénaki
tu m’appelles : Micmac
tu m’appelles : Huron
tu m’appelles : Iroquois
tu ne connais pas mes légendes
tu ne connais pas mon histoire
n’attends pas que je me fâche telle une tornade
n’attends pas que je me libère de mes chaînes
*
une nuit de rêve
j’ai vu le vent
danser
j’ai vu mes jupes
danser à l’unisson
d’un souffle
c’est d’ici qu’on voit
l’immensité de la Terre
Joséphine Bacon, née en 1947, est une poétesse innue originaire de Betsiamites. Elle est également réalisatrice de films documentaires, parolière et auteure des textes d’enchaînement du spectacle de Chloé Sainte-Marie : Nitshisseniten e tshissenitamin. Nous sommes tous des sauvages livre la suite des correspondances d’auteurs autochtones et québécois, entamées en 2008 dans le collectif Aimititau! Parlons-nous! L’ouvrage Uashtessiu / Lumière d’automne de Rita Mestokosho et Jean Désy, publié en 2010, a gardé vive la flamme du dialogue. Aujourd’hui c’est au tour de Joséphine Bacon et de José Acquelin de poursuivre cette histoire commune, élargissant ainsi le cercle de la parole. Ensemble, les deux auteurs ont écrit cet ouvrage, qui résonne d’avenir, de pays imprévisible, de récits inédits, de vies vécues. Toute une mémoire à restituer. Car il n’est que de commencement, si l’on juge à leur propos : J’attends un commencement qui ne peut finir.
Joséphine Bacon et José Acquelin dans Nous sommes tous des sauvages
Une pièce musicale de la Bolduc interprétée par Chloé Sainte-Marie – Le sauvage du Nord
Les paroles sur https://genius.com/La-bolduc-le-sauvage-du-nord-lyrics
