Au seuil de l’aube

J’ai désiré connaître ce qui reste de moi quand je n’ai plus de rôle social à remplir, au sein de ma culture et de ma famille, de mon environnement habituel. J’ai désiré regarder ce qu’il se passe en moi lorsque mon action fait silence, se met en suspens, lorsque je n’ai pas à agir, j’ai désiré rencontrer l’être que je suis au-delà, ou en deçà, des déterminations qui m’ont vu naître, sous les couches qui font mon être historique, social, sous les caractéristiques de mon individualité. La profonde solitude est alors nécessaire mais elle n’est pas sans crainte. Car je peux y rencontrer un grand vide, la sensation du néant. à toutes mes limites, aux aspects de moi-même qui grondent en dedans, s’agitent et me plaisent si peu.

J’ai pu voir ce vide, voir ces limites mais j’ai rencontré aussi autre chose. J’ai perçu, au creux de mon silence, une autre présence. J’ai su, au creux de ma solitude, que je n’étais pas seul. Comme l’afflux du sang dans les veines qui ne nous quitte jamais et qui jamais ne stagne, j’ai rencontré une Présence continue, vivante, inlassable. Et sous l’apparence de la presque immobilité, intérieurement le mouvement a atteint sa plus grande plénitude. En quêtant le rien, le dénuement, j’ai trouvé le tout de mon être. La Présence divine a commencé peu à peu à se révéler à moi. Peu à peu cette dimension de mon être a commencé à s’éveiller. Le noyau lumineux a commencé à briller.

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La tradition transmise par les maîtres et les mystiques soufis me dit que les voiles de l’âme qui me séparent de la Présence divine sont au nombre de 70 000, c’est-à-dire symboliquement qu’ils sont indénombrables. Le goût de la Présence éprouvé lors de la retraite m’est sans doute parvenu après la levée d’un certain nombre de voiles, mais sans aucun doute aussi, cette saveur ne constitue en fait qu’une première station, une première demeure de mon âme vers l’Unité divine. Ces stations – les maquâms – sont les étapes du chemin initiatique soufi, dont personne ne pourrait prétendre qu’il aurait une fin à un certain moment de cette vie-là. Je comprends que ma vie est mon chemin, que mon chemin est ma vie.

Juliette Kempf (1980- ) est une metteuse en scène de théâtre et auteure essaie. Abd el Hafid Benchouk est un maître spirituel dirigeant la maison soufie à Saint-Ouen.

Juliette Kempf et Abd el Hâfid Benchouk dans Au seuil de l’aube

Une pièce musicale de Sting et Cheb Mami – Desert rose

Les paroles sur https://www.lacoccinelle.net/244817-cheb-mami-desert-rose-feat-sting.html