Sépharade

Nous avons tous des identités multiples; et c’est ce qui nous immortels.

Tout événement du passé vit en nous d’une façon invisible. Même enterrées sous les rochers, les villes et les civilisations écrasées continuent de nous parcourir.

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Nous avons tous des identités multiples.

Nous venons tous d’un pays, d’une ville ou d’une rue qui nous définit et nous marque à jamais. Nous sommes issus d’une culture ancestrale qui nous emprisonne autant qu’elle nous féconde. Dans la vie, nous jouons des rôles qui changent en fonction de la situation et de l’interlocuteur, du lieu et du moment : nous existons, multiples à nous-mêmes, ignorant l’origine de ces identités qui surgissent malgré nous, et qui nous déterminent dans nos actions, nos pensées et nos sentiments. Nous sommes empruntés et confisqués par notre passé, que nous empruntons et confisquons à notre tour, essayant de savoir qui nous sommes, en cette quête infinie qui commence au premier cri, qui ne s’achève jamais – et qui s’appelle la vie.

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Ton trésor, c’est ton identité. Tes identités, toutes tes identités. Ce sont tous les actes de ta vie, les moindres comme les plus importants, qui sont la matière de ton être, les symboles et les mythes qui te constituent. Et ton identité n’est pas autre chose que ces symboles et ces mythes. Sans eux nous ne sommes rien; rien que des morts vivants.

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Nous sommes les acteurs d’une saga formée de toutes les histoires de notre passé, des gestes et des pensées de nos aînés , et chacun de nous peut dire : voilà quelle fut mon histoire, celle que j’ai vécue, celle qui m’a marqué durablement, celle qui me rend différent des autres, celle de mon authenticité car c’est par elle que je suis.

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Extase du sentiment d’exister, d’être là, enfin à soi, être nue. Sans robe, sans bijoux, sans voile, dans la nudité de sa naissance, car l’enfant paraît nu en sortant de sa mère. Et s’identifier à cette nudité tout en l’identifiant, et dire : Voilà qui je suis, à présent, prenez-moi ou rejeter-moi, mais en tous cas, je suis là à moi-même.

Eliette Abecassis dans Sépharade

Une pièce musicale de Naïma Chemoul & Maayan – Le Chant des Femmes Sépharades