L’Île aux arbres disparus

Les légendes sont là pour nous dire ce que l’histoire a oublié.

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La sagesse se compose de dix parties : neuf de silence, une de mots.

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Mais tout le monde n’a pas besoin d’être un guerrier, ma chère. Autrement nous n’aurions plus de poètes, d’artistes, de chercheurs…

— Je ne suis pas d’accord, dit Defne à son verre de vin. Il y a des moments dans la vie où chacun doit devenir une sorte de guerrier. Si tu es poète, tu combats avec tes mots ; si tu es peintre, tu combats avec tes toiles… Mais tu ne peux pas dire : “Désolé, je suis poète, je passe mon chemin.” Tu ne dis pas ça quand il y a tellement de souffrance, d’inégalité, d’injustice.

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Aujourd’hui, je considère le fanatisme – de tout ordre- comme une maladie virale. Il avance en rampant, scande le temps comme le balancier d’une pendule qui ne s’arrête jamais, s’empare de vous plus vite si vous faites partie d’une unité fermée, homogène. Mieux vaut se tenir à distance de toutes les croyances et certitudes collectives, c’est que je ne cesse de me dire.

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J’aurais aimé pouvoir lui dire que la solitude est une invention humaine.

Les arbres ne sont jamais esseulés. Les humains croient savoir avec certitude où s’arrête leur être et où commence celui de l’autre. Avec leurs racines entremêlées et piégées sous terre, combinées aux champignons et aux bactéries, les arbres ne se nourrissent pas de telles illusions. Pour nous tout est relié.

Elif Shafak dans L’Île aux arbres disparus

Une pièce musicale de ChaharMezrab Abu-Ata | Composed by: Hossein Alizadeh | Adaptation for Oud and Intro: Negar Bouban