Perspectives zen

La première chose que je fais quand je sens poindre l’ombre d’un soupçon d’irritation à l’égard de quelqu’un, ce n’est pas de me dire : « Comment arranger la situation ? », mais « Tu entends les voitures qui passent ? » Il suffit de solliciter un sens – l’ouïe, en l’occurrence – pour que tous les autres se mettent également en éveil, car tous fonctionnent dans le moment présent. Et une fois qu’on a rétabli la conscience vigilante, on voit ce qu’il convient de faire par rapport à la situation. Les actes qui surgissent d’un vécu vigilant sont presque toujours satisfaisants.

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La plupart de nos difficultés, de nos espoirs et de nos soucis sont imaginaires. Rien n’a jamais existé, en dehors du moment présent. C’est tout ce qu’il y a, c’est tout ce que nous sommes. Pourtant, la plupart des êtres humains vivent dans leur tête et passent cinquante à quatre-vingt-dix pour cent de leur temps dans un monde imaginaire. On pense à ce qui nous est arrivé, à ce qui risque de nous arriver, aux sentiments que cela suscite en nous.

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On ne peut pas se forcer à renoncer à un attachement. Bien qu’il ne s’agisse que d’une pensée, il ne suffit pas de décréter de but en blanc : « Je vais y renoncer. » Ça ne marche pas. Il faut d’abord comprendre ce qu’est l’attachement. Il faut éprouver la peur – la sensation physique – qui sous-tend cet attachement. Alors, il disparaîtra de lui-même. Une erreur fréquente par rapport à l’enseignement zen consiste à croire qu’on doit « lâcher prise ». Or, on ne peut pas se forcer à lâcher prise. Il faut faire l’expérience de la peur sous-jacente.

Attention : faire l’expérience de l’attachement ou de tel ou tel sentiment ne signifie pas le dramatiser. Dramatiser ses émotions revient à les camoufler.

Charlotte Joko-Beck dans Vivre zen

Une pièce musicale de Shakti · John McLaughlin – Face to face