Presqu’île arabe

J’estimais que la solution consistait à vivre loin de tout ce qui pouvait alourdir mes jours, mes nuits et mes décisions. Il fallait m’éloigner de tout ce qui pouvait barrer mon chemin, même d’une chimère comme l’amour. Je voulais ouvrir les yeux dans une ville nouvelle, où personne ne me connaîtrait et où je ne connaîtrais personne. Je savais que je le ferais. J’étais certaine que le miracle viendrait de lui-même sans que je le cherche. J’ai tendu la main, un désir ardent au cœur, et une fée m’a emmenée dans une ville lointaine pour y vivre ma vie comme je l’entendais.

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On dit que l’homme et la femme se différenciaient par la mémoire: la femme se rappelle, l’homme oublie. Le dicton sonne bien et peut-être répété comme une maxime universelle, mais je sais qu’il est vide de sens comme tous ces mythes et classement stupide.

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Je suis née à la croisée des histoires de ma mère et de mon père. Quiconque nait à une intersection n’a pas de place pour lui.

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On dit qu’il est impossible de voir le vent. Nous savons qu’il est là quand nous voyons bouger les feuilles des arbres. Je suis incapable de voir l’amour, je sais qu’il est là quand je vois mon visage dans le miroir à côté d’un nouvel amant. C’est comme cela que je suis amoureuse à chaque fois.

Jeune journaliste syrienne de mère chrétienne et de père musulman, Hazar a quitté Damas pour Paris. Refusant de s’inscrire au parti unique, elle ne pouvait trouver de travail dans son pays. Ce récit à la première personne dessine l’image d’une femme qui se bat pour rester libre et se construire une individualité. Le dernier chapitre évoque les révolutions arabes.

Salwa Al-Neimi dans Presqu’île arabe

Une pièce musicale de Hélène Grimaud – Debussy: 2 Arabesques: I. Andantino con moto