Sagesse Geek

ImAge feu

Chaque fois qu’une lumière brûle deux fois plus, elle brille deux fois moins longtemps. Et vous avez brûlé on ne peut plus brillamment, Roy.

Docteur Eldon Tyrell, Blade Runner

Malgré les apparences, Eldon Tyrell ne parle pas ici de rock’n’roll. De fait, en nous disant qu’il vaut mieux disparaître dans l’incandescence que se consumer à petit feu (« better to burn out than to fade away »), Neil Young n’était sans doute pas tout à fait sincère, comme en atteste son statut actuel de vétéran absolu du folk, du rock et du grunge. En réalité, Tyrell nous parle d’un phénomène malheureusement trop fréquent : dans le domaine de la musique comme dans d’autres domaines, si le nom de nos icônes culturelles majeures s’inscrit au firmament, c’est en partie parce qu’elles nous ont été enlevées bien trop vite. Que ce soit à cause des excès et de l’imprudence (Jimi Hendrix, Jim Morrison), du suicide (Kurt Cobain, Ernest Hemingway), ou du meurtre (John Lennon, Abraham Lincoln), les vies passées loin au-dessus des simples mortels sont bien souvent marquées du syndrome d’Icare, mort pour s’être approché trop près du soleil dans sa folie. Au regard de la postérité, est-il préférable pour une superstar de disparaître dans l’incandescence (comme le Roy Batty aux yeux farouches de Blade Runner) que de se consumer à petit feu ? La prochaine génération de visionnaires ambitieux et créatifs ne serait-elle pas mieux inspirée de tourner le dos à cette tendance, et de rester ici-bas pour jouer un troisième acte ? Le fait que les geeks se soient emparés de la culture populaire traduit sans doute une rupture avec cette sinistre tradition, car, contrairement aux rockers et aux réplicants, les geeks sont tout sauf téméraires.

Stephen H. Segal dans Sagesse Geek : les enseignements sacrés

Une pièce musicale Blade Runner Suite // The Danish National Symphony Orchestra