Instants illuminés

Diverses attitudes masculines montrent un profond rejet du Féminin qui est, au fond, la véritable blessure de l’homme. Plus l’homme abaisse et renie la femme – en ses divers visages de mère, de sœur, d’amante, d’épouse -, et plus il aggrave sa propre blessure, son manque essentiel.

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Parfois, sous le coup d’une douleur, par la grâce d’un émerveillement, une échancrure se produit qui déchire notre opacité et permet d’aller voir de l’autre côté : une brèche par laquelle la Lumière peut nous toucher.

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En certains instants illuminés, la blessure qui marque toute existence n’est plus une douleur, une honte, mais un honneur, une visitation. La Beauté et l’Amour viennent au plus près de l’être par un souffle puissant, par des traits acérés, en ce lieu du cœur où toute séparation est levée, où s’abolit en un éclair la distinction entre la déchirure et la grâce.

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La compassion commence par un seul geste, celui de se pencher, de regarder, d’écouter autrui. Elle est discrète et attentive, elle ne fait pas d’éclat, mais offre toute la chaleur dont un individu est capable. Elle est d’abord un élan qui porte vers l’autre, le fameux prochain, quel qu’il soit, à la Facon dont on pratiquait l’hospitalité dans l’Antiquité grecque : on accueillait l’étranger sans même lui demander son nom, ni les raisons de son passage. C’est l’élan premier –la voix du cœur- qui fait spontanément tendre la main à une personne âgée, qui relève quelqu’un qui vient de tomber. Au fond, un seul geste compte et c’est celui qui coûte le plus : prendre l’autre dans ses bras, le serrer sur son cœur. Cela suffit, souvent, à apaiser de grandes douleurs, cela dépasse toutes les thérapies savantes et bavardes. Mais peu d’hommes savent offrir cette élémentaire chaleur d’humanité.

Jacqueline Kelen dans Divine blessure

Une pièce musicale de Aytaç Doğan – Dil Yarası