La tresse

Elle sait qu’ici, dans son pays, les victimes de viol sont considérées comme les coupables. Il n’y a pas de respect pour les femmes, encore moins si elles sont Intouchables. Ces êtres qu’on ne doit pas toucher, pas même regarder, on les viole pourtant sans vergogne. On punit l’homme qui a des dettes en violant sa femme. On punit celui qui fraye avec une femme mariée en violant ses sœurs. Le viol est une arme puissante, une arme de destruction massive. Certains parlent d’épidémie.

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Smita a déjà entendu ce chiffre, qui l’a fait frissonner : deux millions de femmes, assassinées dans le pays, chaque année. Deux millions, victimes de la barbarie des hommes, tuées dans l’indifférence générale. Le monde entier s’en fiche. Le monde les a abandonnées.

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Epilogue

Mon ouvrage est terminé.

La perruque est là, devant moi.

Le sentiment qui m’envahit est unique.

Nul n’en est le témoin.

C’est une joie qui m’appartient,

le plaisir de la tâche accomplie,

la fierté du travail bien fait.

Tel un enfant devant son dessin, je souris.

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Elle évoque cette femme Dalit parvenue au sommet de l’État, Kumari Mayawati, aujourd’hui la plus riche femme du pays. Une Intouchable devenue gouverneur ! On dit qu’elle se déplace en hélicoptère. Elle n’a pas courbé l’échine, elle, n’a pas entendu que la mort les délivre de cette vie, elle s’est battue, pour elle-même, pour eux tous.

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Je dédie mon travail à ces femmes,

Liées par leurs cheveux,

Comme un grand filet d’âmes.

A celles qui aiment, enfantent, espèrent,

Tombent et se relèvent, mille fois,

Qui ploient mais ne succombent pas.

Je connais leurs combats,

Je partage leurs larmes et leurs joies.

Chacune d’elles est un peu moi.

Laetitia Colombani (1976- ) est une réalisatrice, actrice, scénariste et écrivaine française.

Laetitia Colombani dans La tresse

Une pièce musicale de Ludovico Einaudi – The Braid