L’art d’oublier le déplaisir

La vie n’a pas de vérité intrinsèque. Pas plus qu’elle n’a de vérité extrinsèque. Elle n’a pas de vérité, un point c’est tout. Combien de fois le désir sensuel qui frémit dans nos nerfs tremblants n’est-il qu’une atroce soif de repos, de paix, d’oubli ? S’échapper vers l’obscurité, vers l’eau qui coule à flots, vers des villes étrangères et lointaines, au long de grandes routes mystérieuses. S’échapper vers des cathédrales médiévales, vers des bibliothèques byzantines, vers des cloîtres du Haut Moyen Age. S’échapper vers n’importe quel royaume des elfes, un pays de vapeur et de brume où le soleil est moins puissant et la lune plus puissante que chez nous, un pays où les voix humaines parlent comme dans une transe, un pays où le rivage étouffe le murmure des flots.

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Chacun de nous se rend pleinement compte qu’il serait navrant de voir la douce absurdité de la vie asservie à une coterie d’esprits austères qui n’ont que faire de l’illogisme, de l’excentricité, de la beauté, de l’illusion, de la bonté, obnubilés qu’ils sont par la poursuite de la glaciale, pure, logique, raisonnable Vérité !

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Cette « essence n’a rien d’un fait, et encore moins d’une réalité figée. Elle est un point de vue, une attitude, une humeur, une atmosphère, un processus mental autant qu’émotionnel.

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En d’autres mots la vie, telle que nous la vivons, est une suite d’état subjectifs, et la frontière au sein de ces états entre la santé mentale et la folie demeure une question non résolue.

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Parvenir au secret de l’art de vivre revient à parvenir au secret de l’art d’oublier.

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L’art de vivre est une éducation de l’oubli.

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Car la folie à l’état actif n’est que l’incapacité d’oublier, elle est le déclin intime de l’art instinctif d’absorber les impressions.

John Cowper Powys dans L’art d’oublier le déplaisir

Une pièce musicale de Kitaro – Dance Of Sarasvati