Du silence et des mots

Quand on dénigre quelqu’un, on ne peut pas engager de discussion avec lui. Une discussion ne peut aboutir que si l’on s’adresse à ce que l’autre a de bon en lui. C’est à cette condition-là que le bien pourra s’imposer de part et d’autre.

Quand on se place au-dessus des autres, le dialogue est voué à l’échec, car on ne fait que susciter la résistance.

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Il y a des mots qui figent, des mots qui sont eux-mêmes sans vie et qui étouffent la vie. Quand on dit à quelqu’un : « Tu es un fardeau, une nullité. Je ne veux pas avoir affaire à toi », ce genre de parole fait mourir quelque chose en l’autre, à savoir l’espoir d’une vie qui ait du sens, l’espoir d’être vu et accepté. Il y a aussi des mots qui nous ouvrent les yeux et nous font comprendre des choses. Lorsqu’on nous décrit la beauté d’une montagne, on a le cœur qui se dilate. On devine quelque chose de la vérité de la montagne. Et lorsque la vie afflue en nous, alors nous passons de la mort à la vie.

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Écouter vraiment, c’est s’abstenir de juger, c’est accueillir en soi les paroles de l’autre.

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Bien des discussions échouent parce que nous sommes incapables d’écouter et que tout ce que nous voulons, c’est imposer nos propres arguments sans entendre ce qu’il y a de neuf dans la parole de l’autre et qui pourrait peut-être nous mener plus loin.

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Il y a un langage qui blesse, qui condamne, juge, rejette, déprécie, ridiculise. Un langage blessant pousse à résister, à se fermer. On devient sourd, on se bouche les oreilles. On ne veut pas entendre ce que dit l’autre. C’est ainsi qu’on érige une protection contre le pouvoir blessant du langage.

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Par nos discours, nous influençons nos propres actes et ceux des autres. Nous sommes responsables de ce que nous disons. Inutile, donc, de chercher à se dédouaner en prétextant que les mots sont sans conséquence. Les mots peuvent faire du mal, ils répandent le mal qui engendre ensuite des actes condamnables. La pensée est première, puis vient la parole et, enfin, l’action. Ces trois pôles sont indissociables.

Anselm Grün, né le 14 janvier 1945 en Basse-Franconie (Bavière, Allemagne), est moine à l’abbaye bénédictine de Münsterschwarzach depuis l’âge de 19 ans. Anselm Grün propose des clés pour accéder au vrai silence, et donc à la pleine conscience de la langue. Cette nouvelle approche peut nous conduire non seulement à renouer le dialogue – avec autrui, avec le monde, avec Dieu – mais aussi à « être le dialogue »

Anselm Grün dans L’art du silence

Une pièce musicale de Benediktiner Erzabtei St-Martin/ Kloster Beuron – Ave Maria