La battement du monde

Tout est là. Tout commence avec la Nuit étoilée. Ce que tu cherches au plus obscur, ce que tu cherches sans chercher. Ce qui te traverse. Un abandon au monde. Et peut-être même un abandon de l’abandon. Tout est là. La nébuleuse spirale, les onze étoiles centrifuges et le croissant de soleil-lune, vestige d’éclipse, bouche de blessure-joie. Tout est là. Avec cette formidable force de réenchantement. Écoute. C’est la vie même, qui veut la nuit comme le jour. C’est la vie comme une naissance continue. Combien de naissances dans une vie ?

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On sait que l’on aime à la profondeur du souffle. La même demande, le même besoin du souffle de l’autre. La nuit étoilée, la lune, l’éclipse, une trinité d’amour. Avec cette émotion de la nuit en plein jour. Écoute. Tu entres dans la nuit en plein jour. Tu entres dans la mort en pleine vie. Le labyrinthe t’interroge à tout instant. C’est le mystère d’une apparition qui est une disparition. Le mystère d’un affleurement. Tu tires la leçon de vie de ce qui te bouleverse. Il y a avant, il y a après. Tu sais quelque chose que tu ne savais pas avant. Tu repars de zéro, tu décantes. C’est une éclipse interne, le moment d’une éclipse interne, la fêlure qui peut devenir gouffre mais qui permet de s’ouvrir au monde. Dans une souffrance bien tempérée. Pourquoi, au fond, la souffrance serait-elle dramatique ? Pas de clé à l’énigme, là, on retourne à ce que l’on est. C’est-à-dire rien. Pulvérisé à nouveau. Poussière d’anges ou d’étoiles, ou d’asphalte. Le Grand Jeu. Le Grand Tourbillon. Nourri de ne plus rien savoir, de ne plus penser à soi. La clé, alors, ce serait de remercier. Dire merci à tout, même à l’épouvantable, dans une fulgurante attention

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Écoute, l’aube n’a plus de mémoire, et le soleil a oublié ses souvenirs. C’est un monde absolument neuf.

Né en 1950 à Paris, Zéno BIANU est l’auteur d’une œuvre multiforme, interrogeant à la fois la poésie, le théâtre et l’Orient. Il présente ce livre ainsi. Les grands semeurs s’ouvrent toujours à la blessure. Par le fil d’Ariane de la blessure. Les voilà, les grands étourdissants, les parfaits déboussoleurs. Ils pensent à partir du vide, ils enjambent les garde-fous, ils rejoignent l’esprit d’aurore. Dans un besoin inextinguible de justesse. Ils épuisent leur folie, ils la fatiguent à l’infini, ils portent chaque seconde à son terme. Voilà. L’éveil, c’est toujours sortir d’un rêve.

Zéno Bianu dans Le battement du monde

Une pièce musicale Des jours #470 – le battement du monde