
Ki Siao-tseu dressait un coq de combat pour le roi Siuan de Tcheou. Dix jours (après le début du dressage), le roi s’enquit : « le coq est-il déjà bon pour le combat ? » L’autre répondit : « Pas encore, il est vaniteux et suffisant. »
Dix jours se passèrent, le roi réitéra sa demande. L’autre dit encore : « Pas encore, il réagit à chaque ombre, à chaque bruit. » Dix jours plus tard, le roi s’enquit de nouveau. « Toujours rien », lui fut-il répondu. « Il a encore le regard trop irrité et un air triomphateur. » Enfin, après dix autres jours, comme la demande se renouvelait (Ki Siao-tseu) déclara : « Il y est presque ! Quand d’autres coqs chantent, cela ne fait aucune impression sur lui. En le regardant, on croirait voir un coq en bois. Sa force intérieure (Te) est parfaite. »
Les autres coqs n’osaient s’approcher de lui ; (au contraire), ils se détournaient et s’en allaient.
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Le gouverneur de Bai demanda à Confucius :
« Un homme peut-il s’exprimer à mots couverts ? »
Confucius ne lui répondit pas.
Le gouverneur de Bai lui demanda encore :
« Si je jette une pierre dans la rivière, comment ferai-je pour la récupérer au fond de l’eau ? »
Confucius lui répondit :
« Un excellent plongeur de Wu pourrait fort bien la récupérer. »
Il demanda encore.
« Et si je jette de l’eau dans la rivière, comment ferai-je pour la retrouver ? »
Confucius lui répondit :
« Les différentes saveurs des eaux mêlées de la Zi et de la Sheng, Yi Ya les reconnaîtrait rien qu’on les goûtant. »
Le gouverneur de Bai demanda encore :
« Est-il donc réellement impossible à un homme de s’exprimer à mots couverts ? »
Confucius lui répondit :
« Pourquoi serait-ce impossible ? Mais ce n’est possible qu’avec des hommes qui comprennent le sens des mots ! Car ceux qui comprennent le sens des mots ne se servent pas de paroles pour parler. Ainsi, celui qui se bat pour attraper du poisson doit se mouiller, celui qui poursuit du gibier doit courir après. Et ce n’est pas pour leur plaisir ! C’est pourquoi la parole suprême exclut la parole, et l’action suprême est sans action. Ceux qui ont une compréhension superficielle des choses se querellent donc pour des vétilles. »
Le gouverneur de Bai ne saisit pas tout cela. Par la suite, il mourut dans sa salle d’eau.
Lie Yukou, encore appelé Lie Zi (Lie Tseu, 列子) est un sage de la période des Printemps et des Automnes ou des Royaumes combattants cité dans le Zhuangzi (Tchouang Tseu, 庄子) et les Annales de Lü, devenu un personnage important du taoïsme.
Li Yukou dans Le vrai classique du vide parfait
Une pièce musicale de Secret Garden – Lotus
