Le miroir du karma (perspective tibétaine)

Photo de Olivier Föllmi

Pour revenir à ce qui attend un être humain après la mort, celui-ci verra — reflété dans ce que le Livre des Morts Tibétain appelle le «miroir du karma» —, tout ce qu’il a fait durant son bref séjour dans ce monde et qu’il n’aurait pas dû faire, et, à l’inverse, tout ce qu’il aurait dû faire et qu’il a négligé de faire.

Une question inéluctable surgira alors en lui : «À quoi me suis-je consacré durant le temps qu’il m’a été donné de vivre sur cette planète ?» Il digérera ce qu’a été sa vie, ainsi que les différentes leçons qu’il peut en tirer.

Puis, s’élèvera en lui un intense désir de se reposer de toutes les fatigues et des tourments subis durant son existence terrestre, une existence le plus souvent pleine de vicissitudes, d’incertitudes, de drames et de problèmes qu’il lui a fallu résoudre pour répondre aux besoins incessants de son corps planétaire.

Peu à peu, la vie qu’il a laissée derrière lui deviendra lointaine et vague, jusqu’à ce qu’elle finisse par s’évanouir dans ce qui semble être un oubli complet. En fait, contrairement à ce que l’on peut croire communément, rien n’est jamais perdu en l’être humain. Son existence tout entière ainsi que la totalité des expériences qu’il a connues sont mystérieusement inscrites dans son subconscient, attendant que soient réunis les facteurs nécessaires pour leur permettre de devenir à nouveau actives.

Des signes prémonitoires commenceront à se manifester subtilement comme autant d’indices de ce que sera sa future incarnation — dans l’hypothèse où il y aura pour lui une vie future. Si, effectivement, une autre existence l’attend, celle-ci ne pourra être que la conséquence de la manière dont il aura vécu sa vie passée, que celle-ci ait été fructueuse spirituellement ou non.

Il peut paraître paradoxal de dire que, d’une part, aucune expérience n’est perdue en son être et que, d’autre part, rien n’est jamais certain pour lui en ce qui concerne une existence à venir. Pareillement, il semble étrange d’affirmer que l’être humain ne dispose d’aucun choix sur son existence et, en même temps, de déclarer qu’il est mystérieusement responsable de ce qu’il est devenu dans le présent. Il s’agit là de contradictions apparentes seulement, qui ne peuvent être résolues et comprises qu’à des niveaux d’être et de conscience autres que ceux que l’on connaît ordinairement.

Edouard Salim Michael dans S’éveiller, une question de vie et de mort

Une pièce musicale de Dechen – Tibetan Chant sung