La joie parfaite

En toutes choses, seul ce qui vient du dehors, gratuitement, par surprise, comme un don du sort, sans que nous l’ayons cherché est joie pure. Parallèlement le bien réel ne peut venir que du dehors, jamais de notre effort.

Nous ne pouvons en aucun cas fabriquer quelque chose qui soit meilleur que nous.

Ainsi l’effort tendu véritablement vers le bien ne doit pas aboutir ; c’est après une tension longue et stérile qui se termine en désespoir, quand on n’attend plus rien, que du dehors, merveilleuse surprise vient le don. Cet effort a été destructeur d’une partie de la fausse plénitude qui est en nous ; le vide divin plus plein que la plénitude, est venu s’installer en nous.

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La croyance à l’immortalité est nuisible parce qu’il n’est pas en notre pouvoir de nous représenter l’âme comme vraiment incorporelle. Ainsi cette croyance est en fait croyance au prolongement de la vie, et elle ôte l’usage de la mort.

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Une fois qu’on a compris qu’on n’est rien, le but de tous les efforts est de devenir rien.

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Être rien pour être à sa vraie place dans le tout.

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La joie parfaite exclut le sentiment même de joie, car dans l’âme emplie par l’objet, nul coin n’est disponible pour dire « je ».

Simone Weil dans La pesanteur et la grâce

Une pièce musicale de Paulinho Nogueira & Toquinho