Vies rebelles

Chaque jour, elle se battait pour obtenir un peu plus d’espace pour respirer dans un monde de plus en plus restreint par la barrière raciale, de plus en plus étroitement défini par les brutalités quotidiennes du racisme.

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Toutes les choses essentielles – là où elle va à l’école, le type de travail qu’elle peut obtenir, l’endroit où elle peut vivre – sont dictées par la barrière raciale qui la place, elle, en bas de l’échelle, et tous les autres au-dessus d’elle.

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Elle se présentait fièrement comme Afro-Américaine, rejetant le terme « de couleur » car elle estimait qu’il ne représentait rien. Dans son esprit, ce « de couleur » était la négation de son humanité et un préjudice qui avait été infligé par des siècles d’esclavage ; à présent, on le lui imposait comme identité, pour qu’il poursuive son œuvre destructrice.

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Il vaut mieux mourir en luttant contre l’injustice que mourir comme un chien ou un rat dans un piège.

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Ce n’était pas une dame. Ce n’était pas une femme. C’était une Noire. Dans le compartiment Jim Crow, il n’y avait pas de distinction de genre. Ida Wells choisit de sortir du train plutôt que de subir l’humiliation de la voiture ségréguée, qui servait également de wagon fumeurs et de bar pour les hommes blancs. Les comportements interdits dans le compartiment de première classe étaient tolérés dans le wagon réservé aux personnes de couleur. Dans ce wagon sale, les hommes blancs fumaient, crachaient par terre, buvaient de l’alcool, juraient, lisaient des magazines obscènes, lorgnaient et importunaient les femmes noires. Comme le rappelle une jeune femme : « Vous étiez à la merci du contrôleur et de tout homme qui entrait.» Ida connaissait bien « toutes les tragédies qui s’étaient abattues sur les filles de couleur obligées de voyager seules dans ces voitures ». C’est d’ailleurs ce qui avait motivé son choix de voyager dans la voiture réservée aux dames.

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L’idée folle qui anime ce livre est que les jeunes femmes noires étaient des penseuses radicales qui imaginent inlassablement d’autres façons de vivre et ne cessèrent jamais d’envisager les multiples chemins susceptibles de mener à un monde différent.

Vies rebelles retrace des bribes d’existence de femmes noires, qui ont quitté le sud des Etats-Unis en quête d’une vie meilleure pour les villes du Nord-Est, New York et Philadelphie, entre 1890 et 1930, après l’abolition de l’esclavage. S’appuyant sur les sources de la police, les écrits des philanthropes et des réformateurs sociaux, les archives de la justice mais aussi sur les notes prises par le jeune W. E. B. Du Bois lors de ses enquêtes, Saidiya Hartman leur donne vie, rendant à ces filles et femmes leur statut de sujet, dessinant des portraits vibrants de Noires indisciplinées, reconstituant leurs désirs, leurs efforts pour trouver la joie de vivre, leurs aspirations à la liberté, leurs élans de vie, leurs pensées, leurs corps éprouvés mais libres, leur anarchisme.

Saidiya Hartman dans Vies rebelles

Une pièce musicale de Betty Bonifassi – No More My Lawrds

Les paroles sur https://www.musixmatch.com/fr/paroles/Betty-Bonifassi/No-More-My-Lawrds