Marshall Rosenberg et l’emphatie

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Distinguons bien l’empathie de la sympathie. Si j’éprouve des sentiments forts, le simple fait d’en être conscient est de la sympathie, pas de l’empathie. Ainsi, si moi, le frère, j’avais dit : « Comme je me sens triste quand tu dis cela ! « , j’aurais éprouvé de la sympathie, je n’aurais pas donné de l’empathie. Vous souvenez-vous de vous être un jour plongé dans un bon livre alors que vous aviez mal quelque part, peut-être à la tête ou à une dent ? Qu’est-il advenu de la douleur? Vous l’avez oubliée.

Elle était toujours là – je veux dire : votre état de santé n’avait pas changé – mais vous ne la ressentiez pas. Vous n’étiez plus dans votre corps mais comme « en visite » dans votre livre. C’est cela, l’empathie.

L’empathie nous demande d’être en lien avec les sentiments de l’autre et non pas de ressentir la même chose. Nous ne faisons que l’accompagner. S’il m’arrive d’éloigner mon esprit de l’autre ne fut-ce qu’une seconde et que je me rends compte que j’ai moi-même des sentiments forts, je n’essaie pas de les réprimer. Je me dis : « Retournes-y ». Le fait que je sois en lien avec mes propres sentiments m’indique que je suis revenu « chez moi ». Alors, je me dis : « Retournes-y. « 

Si ma douleur est trop grande, je ne peux pas faire preuve d’empathie.

Si je souffre trop je ne peux pas donner de l’empathie. Je peux donc dire à l’autre : « Cela me fait tellement mal d’entendre ce que tu dis que je n’arrive pas à t’écouter. Pourrions-nous nous interrompre quelques instants pour que je puisse gérer cela, de manière à pouvoir recommencer à t’écouter ensuite ? « 

Il est important de ne pas confondre empathie et sympathie. Si je dis à une personne en souffrance : « Je comprends comment tu te sens et cela me rend triste », je détourne l’attention vers moi.

J’utilise parfois une formule que beaucoup détestent à propos de la Communication NonViolente : je dis qu’il faut « apprendre à aimer la souffrance de l’autre ». Pourquoi cette formule, qui peut passer pour du sadisme ? Voici un exemple, quand je me rendais à San Diego, une amie avait l’habitude de m’appeler et de me dire : « Viens jouer avec ma douleur. « Elle savait que je comprenais ce qu’elle voulait dire. Elle était en train de mourir d’une maladie très douloureuse, et elle me disait que sa douleur était encore aggravée par la nécessité de gérer les réactions des autres à son égard. Ces réactions, motivées par leur compassion, lui posaient un tel problème qu’elle préférait rester seule avec sa douleur plutôt que de devoir gérer celle des autres. Elle me disait alors : « C’est pour cela que j’aime t’appeler, Marshall : parce que tu es tellement froid. Tu es un vrai salaud ! Je sais que je peux te parler et que tu ne te préoccupes que de toi-même. « 

Elle savait que je comprenais le langage idiomatique de la CNV. Elle savait aussi que je prenais plaisir à nos rencontres, dans la mesure où la présence à l’autre, que ce soit dans la souffrance ou dans la joie, est toujours précieuse. Évidemment, je préférerais que mon interlocuteur soit joyeux, mais il est précieux d’être simplement présent à l’autre et à tout ce qui est vivant en lui. C’est cela que mon amie appelait « jouer avec sa douleur.

Marshall Rosenberg dans L’art de la réconciliation

Une pièce musicalede Pachelbel – Canon In D Major