Noël, idées reçues

Les idées reçues sont tenaces. Nées du bon sens populaire ou de l’air du temps, elles figent en phrases caricaturales des opinions convenues. Sans dire leur origine, elles se répandent partout pour diffuser un « prêt-à-penser » collectif auquel il est difficile d’échapper.

« Noël n’est plus ce qu’il était. » Cette idée reçue est certainement la plus répandue car elle se greffe sur l’illusion d’une tradition stable et intangible. On sait maintenant qu’il n’en est rien. La fête de Noël que nous connaissons aujourd’hui n’est que le dernier avatar d’une longue série de métamorphoses.

Malgré les critiques récurrentes que suscite sa récupération commerciale, Noël semble se fortifier à mesure que d’autres cultures l’adoptent et fait preuve d’une capacité d’adaptation exceptionnelle et d’un pouvoir syncrétique extraordinaire.

Morceaux choisis :

« Noël est fêté depuis toujours le 25 décembre, jour de la naissance de Jésus ». C’est là une idée bien ancrée. Il faut savoir que la date de la naissance du Christ est restée longtemps indéterminée. Au cours des trois premiers siècles, les chrétiens l’ignorent complètement.

C’est seulement au cours du IVe siècle que l’on commence à célébrer la naissance du Christ, mais à deux dates différentes, en Orient le 6 janvier, jour de l’Épiphanie, et en Occident le 25 décembre, jour de Noël. Ces deux dates recouvrent en réalité celles des fêtes païennes de début d’année et de changement de saison. Date syncrétique par excellence, Mircea Eliade la définit comme le « jour de naissance de toutes les divinités orientales. »  (Le Mythe de l’éternel retour, Gallimard, Idées, 1969)

 « C’est la fête la plus importante pour les chrétiens. » L’importance de Noël est d’abord géographique. Au XIIe siècle, on peut considérer que c’est la plus grande fête de l’Occident chrétien. Au nord de l’Europe, les Saxons (germains) résistent longtemps et certains de leurs symboles païens se sont maintenus dans la fête chrétienne, comme ceux du houx et de la bûche inhérents aux fêtes du solstice d’hiver.

Le nom même de la fête est resté en Scandinavie celui de Jul qui semble renvoyer à l’un des noms d’Odin dans la mythologie nordique. A travers le symbolisme de la roue, on retrouve une fête associée à l’éternel retour, à l’idée de mort et de fécondité. Vers 850, on voir apparaître en Grande Bretagne le terme de Yule pour désigner la fête de Noël. Une autre raison, symbolique, a fait de Noël la fête préférée des chrétiens malgré l’importance de Pâques. La Nativité a très tôt touché la sensibilité populaire ; et la « mariolâtrie » croissante envers la mère et l’Enfant a donné à cet événement et à ces circonstances toute son importance. (Ernest Jones, La signification de Noël, Essais de psychanalyse appliquée, 1973).

 « Le Père Noël est américain. » Les origines américaines du Père Noël sont aujourd’hui admises. C’est par une légende que tout commence et celle-ci concerne la fondation de New York. Au XVII des marins hollandais naviguent vers le Nouveau Monde. La figure de proue de leur navire n’est autre qu’un saint Nicolas censé les protéger des tempêtes. Malheureusement, les marins n’évitent pas le naufrage. Pendant la nuit qui suit, Sinter Klass apparaît en songe à l’un des marins et lui fait part de son désir de fonder une ville, sur l’île de Mana-hatta (Manhattan). En échange, il promet de rendre visite chaque année à ses habitants à bord de son char céleste et de descendre par les cheminées de la nouvelle cité pour apporter des cadeaux aux enfants. En France, on retient l’année 1897 pour dater l’apparition du Père Noël. L’expression elle-même n’apparaît qu’en 1904 dans le Nouveau Larousse illustré.

Martyne Perrot dans Noël, Idées reçues

Une pièce musicale de Ludovico Einaudi – White Night